Nupes : l’aimer ne suffit pas

Le choix d’EELV de présenter une liste autonome aux prochaines élections européennes met de l’eau dans le gaz de l’union à gauche. Une union malmenée que les universités d’été de certaines de ses composantes n’ont pas contribué à remettre d’aplomb.

Patrick Piro  • 30 août 2023
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Nupes : l’aimer ne suffit pas
Marine Tondelier, secrétaire nationale du parti écologiste français Europe-Ecologie-Les Verts (EELV), lors des journées d'été d'EELV au Havre, le 24 août 2023. (Photo de LOU BENOIST / AFP)
© LOU BENOIST / AFP

Salle comble vendredi soir au Havre, pour la plénière politique des Journées d’été des écologistes, animée par Politis. À écouter les participant·es enquiller de vibrants plaidoyers pro-Nupes, on se demanderait presque où les médias sont allés faire leur marché pour garnir leurs pages, en cette fin d’été : « divisions », « fracturation », « désunion », « pied du mur », « implosion », « ultimatum », c’est un « pronostic vital engagé » qu’ils décrivent pour la Nouvelle Union populaire écologique et sociale. Certes, on ne s’attendait pas à ce que les « premiers couteaux », à la tribune (1), valident ces préoccupants bulletins de santé. Mais leur enthousiasme apparemment intact, ainsi que la distillation, comme un élixir rare, des menues victoires obtenues par l’alliance gauche-écolos depuis un an et demi peuvent-ils suffire à rassurer au-delà des cercles militants ?

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Pour EELV, Cyrielle Chatelain, présidente du groupe écologiste à l’Assemblée nationale, Guillaume Gontard, son alter ego au Sénat, Bruno Bernard, président de la Métropole de Lyon, avec Léa Filoche, cocoordinatrice de Génération·s, Clémentine Autain, députée LFI, et Pierre Jouvet, secrétaire général du PS. Le PCF avait décliné l’invitation.

Les écologistes avaient placé cette plénière dans la perspective des « victoires à élargir pour 2027 ».
Or avant la présidentielle et les législatives, il y a 2024 et les élections européennes. Et Clémentine Autain n’avait guère le choix que de titiller la plaie : le choix d’EELV de présenter une liste autonome (conduite par Marie Toussaint), qui sape la proposition de LFI « d’y aller ensemble » (et avec une tête de liste écologiste), ne prépare-t-il pas la déception, le 9 juin au soir, de voir les résultats afficher « plusieurs petites barres, face à une grande barre Rassemblement national » ? Certes, Cyrielle Chatelain défend l’importance pour les écologistes, fédéralistes dans l’âme, d’une élection européenne pourvoyeuse de leurs meilleurs résultats. Elle est applaudie. Mais Clémentine Autain aussi.

Sur le même sujet : Européennes : l’ombre de l’éparpillement à gauche 

Pour dignes et légitimes qu’ils soient, les arguments d’EELV jouent avec les nerfs d’une grande partie de l’opinion « progressiste », qui se raccroche, avec raison, à « l’union » de la gauche et de l’écologie comme incontournable stratégie anti-RN et anti-Macronie. Et donc, pourquoi ne pas la faire jouer en toute occasion, alors que la menace Le Pen voit son ombre grandir inexorablement ? Ces européennes risquent, plus encore que par le passé, de jouer le rôle de défouloir national contre le pouvoir en place. Que subsisterait-il dans les esprits du public, sur le chemin de 2027, si EELV faisait un « excellent score », mais loin derrière le RN, sinon une incompréhension face à l’incapacité de se « mettre ensemble » durablement ? D’autant plus que l’accord de 2022 qui a fondé la Nupes a montré, à la surprise d’EELV, des rapprochements insoupçonnés avec les insoumis sur l’Union européenne.

Il serait biaisé de ne pas souligner le rôle de LFI dans les difficultés que rencontre la Nupes.

Aussi, à neuf mois du scrutin, on ne jurerait pas que le sujet d’une liste unitaire soit définitivement archivé. Des voix socialistes, écologistes et communistes dissidentes plaident d’ailleurs pour l’union, à l’instar de Jérôme Guedj, Sandrine Rousseau ou encore Elsa Faucillon. Même Olivier Faure ne ferme pas totalement la porte, a-t-il assuré lors de son discours de clôture des universités d’été du PS, si les communistes et les écologistes devaient renoncer à leur stratégie autonomiste.

Au Havre, on a cru percevoir les premières notes d’une petite musique qui finit toujours par monter à mesure que se décantent les enjeux prioritaires. Et sur ce terrain, il serait biaisé de ne pas souligner le rôle de LFI dans les difficultés que rencontre la Nupes. Les huées qui ont accueilli Marie Toussaint, samedi, à l’université d’été des insoumis ou les propos peu amènes de Jean-Luc Mélenchon sur les dissensions provoquées au sein d’EELV par la polémique Médine sont peu propices aux ouvertures. Et quid de l’impalpable ambition du mentor de LFI ? Se prépare-t-il à engager un nouveau face-à-face « avec le peuple » pour la prochaine présidentielle, concluant que la Nupes, décidément, n’est pas à la hauteur de l’enjeu de la prise du pouvoir ?

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