« Il n’y a rien de plus politique que le récit de soi confronté à celui des autres »

Le collectif La Friche lance sa revue Contre-jour, pour « porter un regard choral et poétique sur le réel et les enjeux politiques ».

• 27 septembre 2023
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« Il n’y a rien de plus politique que le récit de soi confronté à celui des autres »

Après cinq ans de projets participatifs conjuguant éducation populaire, journalisme et pratiques artistiques, le collectif La Friche propose une revue semestrielle : Contre-Jour. Elle mêle témoignages, portfolios, comptes rendus et outils d’émancipation, pour faire entendre dans le paysage médiatique les histoires de personnes et de lieux confiées au collectif.


La Friche, ce sont des travailleuses sociales qui font du journalisme, des ingénieurs du son qui accompagnent des ateliers d’écriture, des documentaristes qui produisent des expositions collectives dans des lieux culturels, des journalistes qui font de l’éducation populaire. Autour d’une conviction : il n’y a rien de plus politique que le récit de soi quand il se confronte à celui des autres. Engagé·es dans des projets participatifs sur différents territoires – Roubaix, Marseille, Clichy-sous-Bois, Rennes et Barcelone –, nous créons des espaces de réflexion critique et accompagnons tous types de publics dans l’apprentissage de l’écriture, de la photo, de la vidéo ou de la radio.

Le collectif La Friche s’est créé, en 2018, autour de dispositifs d’éducation aux médias et à l’information (EMI) testés dans la région Hauts-de-France. Nous nous sommes engagé·es dans cet élan en tentant de faire de l’EMI un facteur d’émancipation via la création, l’éducation populaire et la réflexion critique plutôt qu’en défendant une « bonne manière de s’informer ». Cette vision, nous l’avons défendue aux côtés du collectif de chercheuses Geriico dans le Petit Manuel critique de l’éducation aux médias, publié en 2020 aux Éditions du Commun.

Au fil des rencontres et des collaborations, des témoignages éclairants, vivifiants, émouvants sont apparus sur le rapport aux médias et les représentations de territoires ou de communautés peu ou mal médiatisés. Des voix qu’on entend peu se sont élevées, en zone rurale, dans les quartiers populaires et aux frontières. C’est de cette énergie qu’a germé l’envie collective de se lancer dans l’aventure du cinéma documentaire. C’est aussi ce qui nous a fait réaliser à quel point ces outils, dès lors qu’ils permettent réellement la transformation sociale, peuvent redonner du pouvoir sur le monde et la construction des représentations médiatiques.

La friche
Contre jour la Friche

Un contexte récent de censures, portant notamment sur l’expression de participant·es d’ateliers au sujet des violences policières, nous a prouvé que l’EMI n’était pas étanche à la droitisation politique de la société. Mais comment défendre la liberté d’expression d’une main si on la bâillonne de l’autre ? C’est pour que ces propos trouvent un espace de diffusion que nous avons fondé notre propre revue : Contre-Jour. Pour mettre en résonance petites et grandes histoires afin de porter un regard choral et poétique sur le réel et les enjeux politiques, sociaux et culturels qui nous traversent.

Nous espérons que la revue saura trouver son public pour s’indigner, pour s’étonner, pour s’émerveiller, pour laisser une trace.

Cette revue, nous l’avons conçue à l’image de nos pratiques : expérimentale, hybride, ancrée sur le terrain et dans le temps long, dans une logique d’émancipation. Elle mêle témoignages, portfolios, comptes rendus et outils d’éducation populaire. Pour faire exister autrement les histoires de personnes et de lieux qui doivent être visibles dans le paysage médiatique.

Dans le premier numéro, « Écoute les murs tomber », paru en mai, nous avons réalisé le dossier central à partir de résidences d’éducation aux médias dans lesquelles nous proposions un espace de réflexion collectif pour mener à la production de récits. L’une à Calais, en lien avec le centre d’accueil de jour du Secours catholique et les associations qui alertent sur les violences à la frontière, et l’autre à Marseille, dans le quartier de la Cravache, où nous avons accompagné la lutte d’habitant·es contre la construction d’un mur les séparant du quartier voisin.

Le deuxième numéro de Contre-Jour paraîtra en décembre. Il y sera question de ce qui « fait famille ». Celle qu’on choisit, celle qu’on subit, celle qu’on sublime. Cirque, adoption, droit au logement, vie en foyer, secrets, traumatismes, réparation, amitié, cuisine, retour au bled : on y trouvera des photos, des dessins et des textes produits par La Friche et les personnes rencontrées en atelier et en résidence. Nous espérons que la revue saura trouver son public pour s’indigner, pour s’étonner, pour s’émerveiller, pour laisser une trace, pour aujourd’hui et pour demain, et surtout pour toutes celles et tous ceux qui nous confient leurs histoires.

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Publié dans
Carte blanche

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