Racisme et greenwashing : le goût amer de la Coupe du monde de rugby
En moins de 10 jours, deux affaires sont venues entacher l’ouverture de la Coupe du monde de rugby, qui débute ce vendredi 8 septembre dans l’hexagone. Un événement populaire déjà gâché par l’hypocrisie des pouvoirs publics.

© Photo d'Anne-Christine POUJOULAT / AFP
Ce devait être un formidable rendez-vous sportif. L’équipe de France de rugby est peut-être l’une des plus fortes de son histoire. Alors qu’elle débutera sa Coupe du monde ce vendredi face aux All Blacks de Nouvelle-Zélande, elle s’affiche déjà comme l’une des favorites au sacre suprême. Pourtant, à quelques heures du coup d’envoi de ce premier match, on retient plus le goût rance des affaires de ces derniers jours que l’affiche de gala qu’abritera le Stade de France.
En tête, celle concernant la sélection du deuxième ligne Bastien Chalureau, condamné en première instance pour violences racistes. Selon le témoignage de la victime – un autre rugbyman –, elle aurait été frappée après avoir été qualifiée de « bougnoule ». Un jugement dont Bastien Chalureau a interjeté appel, reconnaissant les violences mais niant les propos racistes. Malgré tout, sa sélection pour la plus prestigieuse des compétitions pose question, notamment lorsqu’on sait que la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, a fait de la probité une des valeurs fondamentales pour porter les couleurs tricolores.
Mais là, rien. La ministre s’abrite derrière la présomption d’innocence en attendant l’appel. Le président de la République fait de même. Un laxisme qui interroge. D’autant plus que le sport n’a pas été exempt d’affaires qui n’ont pas attendu le tribunal pour aboutir sur des sanctions. Karim Benzema, mis à l’écart de l’équipe de France de football pendant plus de cinq ans, avant qu’un jugement ne soit rendu, peut en témoigner.
L’objectif de performance sportive doit-il vraiment évacuer toutes ces problématiques d’ampleur ?
Cette hypocrite mise sous le tapis par les pouvoirs publics n’est pas sans conséquence. Elle valide une forme d’acceptation pour les faits dénoncés qui ne sont pas anodins, loin de là. Comment supporter une équipe dont un des joueurs est accusé d’insultes racistes ? Un joueur qui parle avec des personnalités d’extrême droite ? Le tout, à peine plus d’un an après le meurtre de Federico Martín Aramburú, ancien joueur de Biarritz et Perpignan par exemple, par un militant d’extrême droite. Dans une tribune publiée dans Politis, plusieurs personnalités politiques et sportives appellent à lui rendre hommage lors de cette coupe du monde. À moins de 24 heures de son coup d’envoi, aucune réponse n’a été apportée par les organisateurs à cette demande.
L’objectif de performance sportive doit-il vraiment évacuer toutes ces problématiques d’ampleur ? Par ses valeurs, le rugby ne devrait-il pas justement se faire le défenseur de l’égalité et de la fraternité ?
Une autre valeur a justement été mise en avant par les organisateurs : celle d’une Coupe du monde à « faible impact environnemental ». Raté, encore. Ainsi, l’un des principaux sponsors de celle-ci n’est autre que le géant pétrolier TotalEnergies ! Greenpeace, dans un spot vidéo, accuse la multinationale française ultrapolluante de pratiquer un greenwashing de bas étage sur le dos d’un événement populaire. On pourra difficilement dire le contraire.
L’ONG affirme également avoir été contactée par les organisateurs pour que cette vidéo ne soit pas diffusée, sous peine de poursuites judiciaires. Hypocrite, encore et toujours. Car en décidant de maintenir Bastien Chalureau dans l’équipe de France, en choisissant TotalEnergies comme partenaire, c’est bien les valeurs d’écologie, d’égalité et de tolérance prônées par ces mêmes pouvoirs publics qui sont aujourd’hui piétinées.
Comme dirait Zaz qui chantera pour la cérémonie d’ouverture : de cette Coupe du monde, je n’en veux pas !
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