« Le vrai vainqueur n’est pas Emmanuel Macron mais Marine Le Pen »

La réunion des « Rencontres de Saint-Denis » organisée par Emmanuel Macron pour dialoguer avec les oppositions a fait la part belle au Rassemblement national. Qui ressort de l’exercice plus légitimé que jamais.

Nils Wilcke  • 1 septembre 2023
Partager :
« Le vrai vainqueur n’est pas Emmanuel Macron mais Marine Le Pen »
Le président du Rassemblement National (RN), Jordan Bardella, à son arrivée à la réunion des « Rencontres de Saint-Denis » à la Maison d'Education de la Légion d'honneur à Saint- Denis, le 30 août 2023.
© Ludovic MARIN / AFP

La réunion organisée par Emmanuel Macron avec les oppositions à Saint-Denis, à l’école de la Légion d’honneur le mercredi 30 août, est officiellement un « succès tactique et politique », comme le vante l’entourage du président auprès de Politis. La rencontre, interdite à la presse et sans téléphones portables pour les invités, « est une première sous la Ve République, le président a repris la main », ajoute-t-on. En coulisses, si l’initiative du chef de l’État est saluée, la présence du Rassemblement national (RN) représenté par Jordan Bardella en même temps que les chefs de la Nupes (Manuel Bompard, Marine Tondelier, Fabien Roussel, Olivier Faure) et la droite (Éric Ciotti), fait tousser les oppositions de gauche mais aussi une partie de la Macronie.

Le fonctionnement démocratique nous impose de convier le RN.

Un proche du président.

« Le vrai vainqueur n’est pas Emmanuel Macron mais Marine Le Pen », soupire un député Renaissance, qui rappelle la ligne rouge fixée par Élisabeth Borne et le président eux-mêmes à travers le concept de « l’arc républicain » : « On peut négocier des accords pour faire passer des lois mais uniquement avec les formations politiques qui partagent nos valeurs », théorisait la Première ministre aux élections législatives. Comprendre, l’exécutif ne traiterait pas avec les députés de la France insoumise (LFI) et du RN. « Je ne négocierai jamais avec eux pour un vote », tonnait Aurore Bergé, alors présidente du groupe Renaissance sur le site de Capital, l’année dernière. Mercredi, le président sans majorité absolue semble avoir enterré ce principe, cher à sa Première ministre : « Le fonctionnement démocratique nous impose de convier le RN, explique à Politis un proche du président, ils ont fait plus de 40 % des voix à la dernière présidentielle. »

Signe de la considération d’Emmanuel Macron à l’égard de l’extrême droite, Jordan Bardella a été installé face à lui lors de la rencontre et juste à côté de Yaël Braun-Pivet. La présidente de l’Assemblée nationale, dont l’amitié avec Sébastien Chenu, député RN et l’un de ses vice-présidents, est de notoriété publique, n’est rien de moins que le quatrième personnage de l’État. Auparavant, Emmanuel Macron avait appelé M. Bardella en personne, comme il l’a fait avec Éric Ciotti, pour les inviter à Saint-Denis. Curieusement, le président n n’a pas réussi à joindre les chefs de la gauche au téléphone.

Rondeurs

Nouveau malaise à gauche au moment de dîner à Saint-Denis, qui a cristallisé une partie des tensions. L’Élysée voulait en faire un moment « convivial » mais a changé de braquet au dernier moment quand les chefs de la Nupes ont annoncé leur volonté de le boycotter. « On n’allait pas bouffer à côté de Ciotti et de Bardella et bavarder avec eux », s’offusque un proche de Marine Tondelier, la patronne des Écologistes. Au final, tout le monde a avalé son saumon en entrée, la pintade servie avec des champignons puis les fruits rouges en dessert peu avant 22 heures, sans protester. 

Sur un nuage, Jordan Bardella s’est empressé de publier au bout de la nuit un communiqué tout en rondeurs envers Emmanuel Macron, rappelant « l’impérative nécessité de la tenue d’un référendum sur l’immigration de la France le 9 juin 2024, le même jour que les élections européennes », un « geste pour le pouvoir d’achat » ou encore « la refondation de l’école ». Des thèmes « light », observe un député Renaissance, pour qui l’invitation de Saint-Denis « légitimise » un peu plus le Rassemblement national. Ce n’est pas Marine Le Pen ou Jordan Bardella qui diront le contraire… 

Recevez Politis chez vous chaque semaine !
Abonnez-vous
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Réduire les dépenses, c’est renoncer à faire de la politique
Parti Pris 17 juin 2025

Réduire les dépenses, c’est renoncer à faire de la politique

Les politiques s’enchaînent et se ressemblent, focalisées sur la seule question comptable, budgétaire. Avec pour seule équation : réduire les dépenses. Mais faire de la politique, ça n’est pas ça.
Par Pierre Jacquemain
À Nancy, les socialistes règlent encore leurs comptes sur le cas insoumis
Politique 16 juin 2025 abonné·es

À Nancy, les socialistes règlent encore leurs comptes sur le cas insoumis

Réunies pendant trois jours, les trois orientations du parti au poing et à la rose se sont déchirées sur la question de l’alliance avec La France insoumise. Le sujet, latent depuis 2022, n’est toujours pas réglé. Et le congrès de ce parti coupé en deux semble n’avoir servi à rien.
Par Lucas Sarafian
Retraites : avant de censurer, les socialistes à la recherche éternelle de l’équilibre
Politique 13 juin 2025

Retraites : avant de censurer, les socialistes à la recherche éternelle de l’équilibre

Alors que le conclave touche à sa fin, les roses sortent peu à peu d’une logique de non-censure. François Bayrou se retrouve menacé mais les socialistes ne veulent surtout pas être perçus comme les agents du chaos politique.
Par Lucas Sarafian
Congrès PS : après la défaite, les petits espoirs de nuisance des anti-Faure
Politique 6 juin 2025

Congrès PS : après la défaite, les petits espoirs de nuisance des anti-Faure

Le résultat du congrès des socialistes dessine un parti scindé en deux camps. De ce fait, les opposants internes n’envisagent pas de quitter la « vieille maison ». Ils pourraient disposer d’une importante minorité de blocage dans les instances internes.
Par Lucas Sarafian