The Pretenders, un spleen électrique

Avec « Relentless », les Pretenders continuent de défendre une vision d’un rock puissant et sensible, aux compositions ciselées.

Jacques Vincent  • 11 octobre 2023 abonné·es
The Pretenders, un spleen électrique
un disque de rock comme on n’en fait plus guère, porté par les guitares et la voix de Chrissie Hynde comme au premier jour.
© Ki Price

Relentless / The Pretenders / WEA.

Rarement entrée en scène a été aussi réussie que celle des Pretenders quand, à l’aube de 1979, les derniers échos de la fête punk tout juste tus, ils sont arrivés avec cette reprise d’un titre des Kinks, « Stop Your Sobbing ». Une façon magistrale d’afficher classe, élégance et bon goût, confirmée par les photos du quartet mené par une certaine Chrissie Hynde, tignasse de jais et perfecto rouge.

On n’a jamais oublié cette entrée en matière et on a suivi le groupe longtemps, au rythme des nombreux hits et d’albums tout aussi réussis. Au rythme aussi des drames qui l’ont touché avec les décès successifs du bassiste Pete Farndon et du guitariste James Honeyman-Scott. Drames qui ont logiquement eu comme conséquence de voir différentes versions du groupe se succéder, Chrissie Hynde restant aux commandes avec le batteur Martin Chambers comme complice de toujours, si l’on excepte une courte parenthèse entre 1987 et 1995. Mais c’est sans doute l’arrivée, en 2008, du guitariste James Walbourne, qui cosigne avec Chrissie Hynde toutes les compositions de ce nouvel album, qui a été déterminante pour l’avenir du groupe.

Profonde mélancolie et fulgurantes éclaircies

Pretenders relentless

Dire qu’on a suivi tout le parcours n’est pas tout à fait juste et on en est presque à se reprocher cette infidélité aujourd’hui à l’écoute de Relentless. Dès les premiers accords de « Losing My Sense of Taste » qui tombent dru comme un rideau de pluie, dessinent un mur de cordes sous haute tension, c’est un son lourd et âpre empreint d’une profonde mélancolie pour décrire un de ces moments où on n’a plus de goût à rien, où tout ce qu’on aimait jusque-là semble ne plus avoir aucun sens. Un spleen électrique. On entend dans ces chansons au ton souvent sombre la peur, de soi essentiellement, la tristesse du temps qui passe. Ce qui n’empêche pas quelques fulgurantes éclaircies comme le bien nommé « Let the Sun Come In » et son riff scintillant à la R.E.M.

Quand les guitares électriques ne suffisent plus pour exprimer toutes les nuances de ces états d’âme, d’autres instruments s’invitent, guitare acoustique, orgue, piano, ou cordes sur « I Think About You Daily », dont l’arrangement a été écrit par le guitariste de Radiohead, Jonny Greenwood. Le résultat : un disque de rock comme on n’en fait plus guère, porté par les guitares et la voix de Chrissie Hynde comme au premier jour. Et des compositions riches et sensibles que l’on écoute très fort pour se laisser envahir par le son dense et profond.

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Musique
Temps de lecture : 3 minutes