« Diamonds and Pearls » de Prince, un hymne à la joie

Sorti en 1991, le disque de Prince, fait l’objet d’une édition remastérisée et richement augmentée.

Pauline Guedj  • 15 novembre 2023 abonné·es
« Diamonds and Pearls » de Prince, un hymne à la joie
Dans le coffret, on découvre un Prince qui semble entamer l’une des périodes les plus libres de sa carrière, libre d'accumuler les styles.
© FRANZ-PETER TSCHAUNER / DPA-Picture-Alliance/AFP

Prince, Diamonds and Pearls / Coffret « Super Deluxe » / 7 CD et 1 Blu-ray, 146,99 euros / 12 vinyles et 1 Blu-ray, 314,99 euros.

Au début du beau livret qui accompagne l’édition « Super Deluxe » de l’album de Prince de 1991, Diamonds and Pearls, se trouve un texte de Chuck D, rappeur du groupe Public Enemy. À l’aube des années 1990, après l’échec de son disque Graffiti Bridge, Prince décide de s’ouvrir frontalement au courant qui bouscule la musique noire américaine depuis quelques années : le rap. Dans sa carrière, c’est une bascule puisque, si Prince avait déjà eu timidement recours à des paroles rappées, il est surtout connu à l’époque pour avoir fustigé cette musique qu’il juge sans instruments. L’histoire voudrait que « Fight the Power » de Public Enemy l’ait aidé à se positionner plus clairement.

Inspiré par ce morceau, Prince choisit alors d’agrémenter Diamonds and Pearls de séquences rappées. Au fil du disque, le rappeur Tony Mosley ajoute à certains titres (« Daddy Pop », « Live 4 Love », « Willing and Able ») des interludes ou prend en charge certains morceaux (« Jughead»). À la sortie de l’album, cette inclusion du rap chez Prince fait débat. L’artiste succomberait-il à l’air du temps ? Adopterait-il une stratégie commerciale ? Ou parviendrait-il à malaxer cette influence pour qu’elle s’intègre à sa musique, en devienne un élément parmi tant d’autres ?

Musique du trop-plein

L’édition « Super Deluxe » de Diamonds and Pearls, qui vient de paraître, est un mastodonte. 7 CD ou 12 vinyles, selon le format choisi, auxquels s’ajoute un Blu-ray, le coffret comprend l’album, remastérisé, quantité de remix, des dizaines de morceaux inédits, des clips, un extrait de répétition et un concert enregistré en janvier 1992. Des heures de musique donc, grâce auxquelles on peut naviguer dans la tête d’un Prince en pleine réinvention et comprendre comment le rap s’inscrit dans une période archi-productive de sa carrière où se côtoient les styles les plus variés et les interprétations les plus libres.

Prince Diamonds and Pearls

Diamonds and Pearls, l’album, recouvre quantité de styles et d’influences : un opéra rock (« Thunder »), des bijoux soul et délicats (« Cream », « Strollin’ »), des ballades sucrées (« Diamonds and Pearls ») ou salaces (« Insatiable ») et un ovni, « Gett Off », orgie lourde et organique aux rythmes entêtants. La sélection d’inédits du coffret témoigne d’une même richesse, alliant des morceaux précurseurs comme « Alice Through the Looking Glass » qui annonce les explorations électro à venir avec l’album Come, des titres blues, « I Pledge Allegiance to Your Love », ou rock comme l’instrumental « Blood on the Sheets », presque du métal.

Dans le coffret, on découvre alors un Prince qui semble entamer l’une des périodes les plus libres de sa carrière. Il est libre de radicalement accumuler les styles. Il est libre de produire une musique du trop-plein qui additionne les mélodies sophistiquées et les arrangements en couches multiples, chantées, instrumentales ou rappées, sollicitant en permanence l’auditeur. Impossible de ne pas se soumettre à une écoute active de Diamonds and Pearls, tant chaque morceau se complexifie et renaît à chaque écoute. Cette liberté, il semble que Prince la doive en grande partie au groupe qui se cristallise autour de lui à cette époque. Les New Power Generation naissent autour des morceaux contenus dans ce coffret et, avec eux, Prince peut, à peu près, tout faire.

Un édifice archi-stimulant où Prince règne en magistral chef d’orchestre.

Chaque musicien a une personnalité explosive et un talent d’écoute hors pair permettant de se fondre dans une musique d’orchestre. Chaque break de batterie (du génial Michael B), chaque cocotte funky (du pilier Levi Seacer Jr.), chaque ligne de basse (du maître Sonny T), chaque solo de piano (de l’inventif Tommy Barbarella) et chaque vocalise foudroyante (de Rosie Gaines) apportent sa pierre à un édifice archi-stimulant où Prince règne en magistral chef d’orchestre. Témoignage de cette alchimie, le joyau du coffret est alors ce Blu-ray, un concert enregistré à Minneapolis, chez Prince, dans sa boîte de nuit, le Glam Slam. On y retrouve un artiste en joie, qui chante, danse, joue du piano et de la guitare, et dirige avec délectation ce groupe de jeunes prodiges.

Recevez Politis chez vous chaque semaine !
Abonnez-vous

Musique
Temps de lecture : 4 minutes