« Melting Potes », fraternité vibrante

Récemment créé, le collectif musical franco-­sénégalais Niofar se révèle avec un album de hip-hop énergique et bariolé qui s’inscrit dans le cadre d’un ambitieux projet à la fois culturel, social et humanitaire.

Jérôme Provençal  • 8 novembre 2023 abonné·es
« Melting Potes », fraternité vibrante
Chantés en wolof, peul, français ou encore occitan, les neuf morceaux abordent des thématiques telles que la paix, la tolérance, la justice sociale et l’unité, délivrant un hip-hop ludique, joyeux, fraternel..
© Dora Dorovitch

Melting Potes / Niofar / Dora Dorovitch.

En wolof, la principale langue parlée au Sénégal, Nio Far signifie « on est ensemble ». Le projet coopératif ainsi baptisé, reliant l’Afrique et la France, a été lancé début 2022 sous l’impulsion de l’association Njaambuur Hip Hop. Active depuis 2009 dans la sphère des cultures urbaines, celle-ci a pour base Louga, l’une des plus grandes villes du Sénégal, située au nord du pays, non loin de la Mauritanie, et réputée comme une place forte du rap local.

L’association englobe des structures disséminées à travers toute la région de Louga, qui regroupe trois départements. D’abord connue grâce au festival hip-hop annuel qu’elle organise autour du 24 décembre, elle s’est développée au fur et à mesure. «À partir de 2019, en complément du festival, nous avons mis en place des activités à l’année et engagé des projets au long cours, explique Seydina Joop, actuel président de Njaambuur Hip Hop. Nous proposons par exemple des accompagnements d’artistes ou des formations dans le secteur culturel. En outre, nous menons des actions sociales à plus grande échelle. »

Niofar Melting Potes

Amorcé début 2022, le projet Niofar résulte de la rencontre de Njaambuur Hip Hop avec deux associations aveyronnaises, ProDiGes et Aeroson. La première, implantée à Rodez, œuvre dans le domaine de la médiation culturelle avec un fort engagement social, tandis que la seconde, à Millau, promeut la culture graffiti par différents biais. Toutes deux se mobilisent sans compter au nom de la transmission.

Seydina Joop a pris l’initiative de cette collaboration, dans le prolongement naturel du jumelage unissant Louga et Millau depuis 1962. Consolidé par un soutien important de l’Institut français de Saint-Louis, qui couvre la zone nord du Sénégal, le montage financier a duré six mois. Le projet a connu une première phase de concrétisation fin 2022. Plusieurs membres de ProDiGes et d’Aeroson ont ainsi pu se rendre à Louga pour y partager leurs pratiques avec l’équipe de Njaambuur Hip Hop et de jeunes artistes – graffeurs ou musiciens – de la région. En seulement dix jours, des fresques murales ont été réalisées sur des bâtiments emblématiques, et un album de hip-hop a pris forme dans un studio d’enregistrement local.

Synergie spontanée et action humanitaire

«Cette expérience m’a mis une belle claque, confie Francis Esteves, alias Cisco, responsable de ProDiGes, musicien et musicothérapeute (entre autres casquettes). Quel enthousiasme ! Quelle émulation ! On sent une grande dynamique dans la jeunesse, une volonté de faire bouger les choses. Il y a plein d’excellents musiciens, hyper créatifs, en particulier au niveau du beatmaking, avec très peu de moyens matériels. Avoir réalisé un album si vite est en soi assez incroyable !»

On sent une grande dynamique dans la jeunesse, une volonté de faire bouger les choses.

Cisco, ProDiGes

Fruit d’une synergie spontanée et d’un travail collectif intensif, ledit album rassemble quelques musiciens ­français, dont Francis Esteves (directeur artistique du projet), et de nombreux musiciens sénégalais – beatmakers, DJ ou MC. Chantés en wolof, peul, français ou encore occitan, les neuf morceaux abordent des thématiques telles que la paix, la tolérance, la justice sociale et l’unité. Mêlant par ailleurs machines et instruments traditionnels (kora, balafon, percussions, etc.), ils délivrent un hip-hop métissé et bien balancé, plein de vitalité, dont le titre de l’album, Melting Potes, résume parfaitement l’esprit : ludique, joyeux, fraternel.

« Tous les artistes d’ici impliqués dans l’enregistrement ont pu se perfectionner en bénéficiant de formations techniques, souligne Seydina Joop. Depuis, ils ont aussi pu s’inscrire à la Sodav [structure sénégalaise équivalente de la Sacem, NDLR] et sont désormais reconnus comme professionnels grâce à cet album. » Visant à permettre à de jeunes artistes de vivre de leur art et de faire circuler leur culture, le projet – destiné à se développer, avec bientôt une version live – touche en outre à l’action humanitaire via des initiatives connexes dans la région de Louga, notamment à destination des enfants abandonnés et exploités, en coopération avec l’Association en faveur des enfants des rues (Afer).

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Musique
Temps de lecture : 4 minutes