Remaniement : femmes, la grande cause perdue

Aucune femme aux postes régaliens et sept ministères sur onze attribués à des hommes. Le remaniement ministériel du 11 janvier 2024 montre que le couple exécutif contourne un peu plus la « grande cause du quinquennat », l’égalité entre les femmes et les hommes.

Louis Heinrich  • 15 janvier 2024 abonné·es
Remaniement : femmes, la grande cause perdue
Passation de pouvoir entre Élisabeth Borne et Gabriel Attal, à Matignon, le 9 janvier 2024.
© EMMANUEL DUNAND / POOL / AFP

Matignon, Intérieur, Justice, Affaires étrangères, Économie, Armées. C’est l’une des leçons du remaniement : en Macronie, les hommes ont le monopole du régalien. Les deux seules femmes qui occupaient un de ces postes ont été écartées et remplacées par des hommes : Élisabeth Borne cède sa place à Gabriel Attal au poste de Premier ministre et Catherine Colonna quitte le Quai d’Orsay au profit du discret Stéphane Séjourné, député européen.

C’est inédit depuis 2017 et le gouvernement de Bernard Cazeneuve. Pour autant, pas de quoi surprendre Léa Chamboncel, autrice en 2022 de l’essai Plus de femmes en politique ! « C’est une tendance qui se confirme. On l’avait déjà remarqué pendant le covid. On était en pleine pandémie et Agnès Buzyn avait été remplacée par un homme. Les femmes ont commencé à reculer sur les postes à responsabilité », pointe la fondatrice de Popol Media.

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Les poids lourds Gérald Darmanin, Bruno Le Maire, Éric Dupond-Moretti et Sébastien Lecornu ont été confirmés : « Il y avait des enjeux sur les personnalités politiques fortes en place et la composition s’est avérée très compliquée », tempère la députée Renaissance Nicole Dubré-Chirat, qui veut croire à « une grande marge de progression avec la deuxième salve de nominations ». D’autres ministres délégué·es et secrétaires d’État doivent être nommé·es dans la semaine.

« Parité de façade »

Emmanuel Macron avait chargé Gabriel Attal de composer un gouvernement « resserré ». L’exécutif a dégraissé. Ce vendredi, ils étaient quatorze à participer au conseil des ministres, en plus du couple exécutif. Chiffre pair, pas d’excuse : parité parfaite entre sept hommes et sept femmes. « Parité de façade », tranche Léa Chamboncel. À la loupe, on s’aperçoit que les femmes ne sont que quatre en plein exercice, sur onze ministères possibles. Les autres sont déléguées auprès du Premier ministre. Et Léa Chamboncel d’ajouter que « ce remaniement confirme que les femmes sont là pour la photo, pas pour s’asseoir à la table des discussions ».

Les femmes sont là pour la photo, pas pour s’asseoir à la table des discussions.

L. Chamboncel

Amélie Oudéa-Castéra est promue à la tête d’un super-ministère diluant l’Éducation nationale dans la Jeunesse, les Sports et les Jeux olympiques et paralympiques. Mais la nouvelle ministre, qui n’a aucune expérience sur les questions d’éducation, risque de rester sous la tutelle de son prédécesseur Gabriel Attal. Il a d’ailleurs promis de se faire le « garant » de la « priorité absolue » donnée à l’école, « la mère des batailles », et ne se cache pas de vouloir emmener avec lui le sujet de l’éducation à Matignon.

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La chiraquienne Catherine Vautrin, dont le nom fuse depuis mai 2022 dès qu’il est question de remaniement, hérite enfin d’un immense portefeuille : elle sera chargée du Travail, de la Santé et des Solidarités. Sylvie Retailleau sauve sa place à l’Enseignement supérieur, malgré son chantage à la démission au moment de la loi immigration en décembre. Dernière ministre en plein exercice : la sarkozyste Rachida Dati, qui hérite du ministère de la Culture. Sa mise en examen à Paris pour « corruption passive », « trafic d’influence passif » et « recel d’abus de pouvoir » n’a pas été un frein à sa nomination.

Postes en retrait : 100 % de femmes

En revanche, carton plein sur les postes en retrait, tous occupés par des femmes avant l’annonce des derniers noms. Cette surreprésentation des femmes aux petites responsabilités n’est pas nouvelle : « Lors des deux précédents remaniements, les femmes étaient majoritairement présentes sur les postes de secrétaires d’État et de ministres déléguées », remarque Léa Chamboncel.

Prisca Thevenot, très proche de Gabriel Attal et soutien de la première heure d’Emmanuel Macron, est promue porte-parole du gouvernement. Nicole Dubré-Chirat s’en félicite : « C’est le lien avec tous les ministères : c’est intéressant qu’il y ait une femme à un poste aussi important. » Pour la constitutionnaliste Anne-Charlène Bezzina, le porte-parolat est un poste-clé : « C’est là qu’on imprime un style. On est sous le feu des projecteurs. On défend un cap. C’est l’organe de la cohésion et ça peut également être un tremplin. »

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Marie Lebec devient la première femme à occuper le poste de ministre déléguée chargée des Relations avec le Parlement. « C’est un peu une courroie qui permet de faire passer des informations, de sonder le tempo du Parlement et de représenter sa majorité. Même si j’ai l’impression qu’on s’est replié là-dessus, faute de femmes dans les ministères régaliens », analyse Anne-Charlène Bezzina. Aurore Bergé, ex-ministre en plein exercice au portefeuille des Solidarités et des Familles, rétrograde auprès de Gabriel Attal. Elle sera chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations.

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