« Bye Bye Tibériade », l’odeur de la famille

Lina Soualem dresse le parcours de l’actrice Hiam Abbass entre exil, déplacements et déracinements.

Pauline Guedj  • 20 février 2024 abonné·es
« Bye Bye Tibériade », l’odeur de la famille
À travers les générations émane le parfum d’une famille unie, malgré les acharnements de l’histoire.
© Frida Marzouk / Beall Productions

Bye Bye Tibériade / Lina Soualem / 1 h 23.

Parmi les nombreuses histoires contées dans Bye Bye Tibériade, le très beau film que la réalisatrice Lina Soualem consacre au parcours de sa mère, l’actrice franco-palestinienne Hiam Abbass, un récit émouvant retrace les retrouvailles de la comédienne avec sa tante Hosnieh, réfugiée en Syrie depuis 1948. Alors qu’avec son passeport français Hiam Abbass peut voyager dans ce pays, elle rend visite à cette représentante d’un pan mal connu de sa famille.

Arrivée à l’improviste devant la demeure de son aïeule, Hiam Abbass explique leur attraction. Comme un aimant, elles se reconnaissent, s’attirent et s’enlacent. Leur rencontre est physique. Elles se sentent, se reniflent, et la tante exulte lorsqu’elle retrouve « l’odeur » qui lie une famille dont l’histoire est faite d’exils et de déplacements.

Premier déplacement raconté par Lina Soualem, celui qu’elle considère comme le fondement de l’histoire de sa famille : 1948. Durant la guerre qui suit la partition de la Palestine et la déclaration d’indépendance d’Israël, la famille Abbass est expulsée de son village, Tibériade, et déplacée à une trentaine de kilomètres, à Deir Hanna. Là, l’arrière-grand-père de la réalisatrice perd la raison et c’est l’arrière-grand-mère qui prend en main sa descendance, huit enfants.

Le film comprend de nombreuses scènes aussi sensibles qu’intéressantes où est conté le départ et où sont lus des textes produits par des membres de la famille dans lesquels ceux-ci se confrontent aux ruines du passé et à ces lieux et souvenirs fragiles, témoignages d’un héritage en grande partie détruit.

Ode à une lignée de femmes

Deuxième déplacement, celui d’Hiam Abbass elle-même. Adolescente, la jeune femme s’oppose souvent à son père. Puis elle part pour Haïfa, où elle étudie la photographie, et Jérusalem, où elle rejoint une compagnie de théâtre. Elle rencontre un Anglais, qu’elle décide d’épouser en espérant l’accord de son père. Toutefois, Hiam Abbass ne se mariera pas au village comme ses sœurs, et dans la foulée elle quittera la Palestine pour Londres, puis Paris. Dans la famille, Hiam Abbass est donc celle qui est partie et qui longtemps refusera de remettre un pied sur sa terre natale.

La naissance de Lina changera la donne, lui permettant de passer outre les conflits. Ode à cette lignée de femmes, le film inclut plusieurs images, filmées par Zinedine Soualem, le père de la réalisatrice, montrant la jeune Lina s’amusant avec les membres de sa famille. La petite passe de bras en bras, on joue avec ses mains, on rit en l’écoutant, et à nouveau à travers les générations émane le parfum d’une famille unie malgré les acharnements de l’histoire.

Cinéma
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