« Le fardeau », la foi et le sida

Elvis Sabin Ngaïbino montre un couple pieux et courageux en Centrafrique.

Christophe Kantcheff  • 2 avril 2024 abonné·es
« Le fardeau », la foi et le sida
Le regard que porte le cinéaste sur Rodrigue et Reine épargne au spectateur européen, délivré de ses a priori, la position de surplomb qui réduirait le film à un témoignage sur les superstitions.
© Cinéma du réel

Le Fardeau / Elvis Sabin Ngaïbino / 1 h 20.

Présenté en compétition au festival Cinéma du réel, à Paris, qui s’est déroulé du 22 au 31 mars, Le Fardeau, d’Elvis Sabin Ngaïbino, montre comme rarement un aspect de la société africaine, en l’occurrence de Centrafrique. Au centre du film, Rodrigue (cousin du réalisateur) et Reine, avec leurs trois enfants. Rodrigue et Reine sont non seulement extrêmement croyants, comme une grande part de leurs concitoyens, mais également très impliqués dans la vie de leur paroisse évangélique.

Rodrigue songe à devenir pasteur. Mais l’homme et la femme sont en butte à un terrible problème : tous deux sont atteints du sida. Or cette maladie est considérée comme un péché. Le couple se sent donc tenu de n’en rien dire – c’est en catimini qu’ils se rendent un jour à une réunion de malades du sida – et s’en remet à Dieu pour parvenir à la guérison.

Le regard que porte le cinéaste sur Rodrigue et Reine épargne au spectateur européen, délivré de ses a priori, la position de surplomb qui réduirait le film à un témoignage sur les superstitions. Chants à l’église, sermons du pasteur, transes lors des « prières de délivrance »… Les scènes religieuses sont légion et participent de la vie profonde et intime du couple. Un homme et une femme qui par ailleurs sont très solidaires, leur amour leur ayant permis de surmonter le tremblement de terre qu’a représenté l’annonce de leur maladie, pour l’affronter en s’épaulant.

Révélation

Quand l’état de Rodrigue se dégrade – il ne peut plus marcher –, le poids de la survie, tant physique qu’économique, repose sur Reine seule. Elle fait alors toujours appel à sa foi mais aussi à la médecine, qui a un prix. On la voit ainsi se battre sur un marché avec une revendeuse qui lui a acheté du manioc en gros sans la payer. Mais d’autres femmes, réunies en une association religieuse, se montrent au contraire solidaires en offrant au couple une chaise roulante.

La proximité entretenue avec le filmeur permet à Rodrigue et Reine d’être en confiance devant la caméra. Ils se sont d’ailleurs engagés dans cette entreprise en ayant conscience que leur secret, leur « fardeau », serait ainsi dévoilé. Mais de cette révélation publique ils prennent eux-mêmes l’initiative dans une scène qui, à l’image de ce qu’ils sont, est d’un courage qui force l’admiration.

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Cinéma
Temps de lecture : 2 minutes