Réhabiliter l’impôt

Le déficit public atteint 5,5 % du PIB, en forte augmentation. Un dérapage qui est l’occasion d’un débat salutaire sur les finances publiques et la nécessité d’augmenter les impôts et de réformer la fiscalité.

Dominique Plihon  • 10 avril 2024
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Réhabiliter l’impôt
Une affiche de rue, à Paris, en décembre 2023.
© Guillaume Deleurence

Le dérapage du déficit public, qui a atteint 154 milliards d’euros en 2023, soit 5,5 % du PIB, contre 4,8 % en 2022, loin de la limite sacro-sainte des 3 % du Pacte de stabilité européen, est l’occasion d’un débat salutaire sur les finances publiques. Pour justifier sa politique de « rigueur », Gabriel Attal explique que les dépenses publiques sont la cause de ce dérapage. Ce qui est démenti par l’Insee, qui indique qu’en 2023 « les dépenses publiques continuent de reculer et s’établissent à 57,3 % du PIB après 58,8 % en 2022 et 59,6 % en 2021 ».

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En réalité, le problème se situe du côté des recettes publiques, donc de la fiscalité. Bruno Le Maire, qui n’est pas à une contradiction près, a été obligé de reconnaître que le trou des finances publiques provient de l’effondrement des recettes fiscales qu’il attribue au ralentissement de l’activité économique. En fait, les réductions d’impôt décidées par Macron depuis 2017 sont la cause majeure des déficits publics. Celles-ci sont estimées au total à 70 milliards pour 2023, soit près de la moitié du déficit, et elles bénéficient surtout aux ménages les plus riches et aux grandes entreprises.

Macron et son gouvernement refusent pour le moment toute hausse d’impôt. Pourtant, la démonstration est faite que l’effet stimulant sur l’économie des baisses d’impôts – via l’effet de ruissellement – ne fonctionne pas. Cette politique a eu un double effet pervers : elle a asséché les recettes de l’État et a fortement accru les inégalités fiscales, portant atteinte à deux piliers de notre contrat social : le consentement à l’impôt et les services publics.

Un premier impératif est de taxer les profits exceptionnels des grandes entreprises.

Cette crise des finances publiques est salutaire car elle mobilise de nombreux citoyens, y compris dans les rangs de la majorité au pouvoir, en faveur d’une nécessaire hausse des impôts et d’une réforme permettant à la fiscalité de jouer à nouveau son double rôle de financement de l’État et de redistribution des richesses. Un premier impératif est de taxer les profits exceptionnels des grandes entreprises qui, comme Total, ont bénéficié des crises sanitaire et géopolitique. La France est isolée, plusieurs pays européens (Allemagne, Espagne et Italie) ayant déjà appliqué cette mesure.

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Par ailleurs, une campagne est menée dans le cadre d’une initiative citoyenne européenne (ICE) pour créer une taxe sur les ultrariches au niveau européen. En complément de ces premières mesures, il est nécessaire de s’attaquer en France aux nombreuses « niches fiscales », exonérations d’impôts coûteuses et souvent injustifiées qui profitent aux ménages les plus riches et aux grandes entreprises et sont un facteur d’injustice fiscale.

Un objectif prioritaire de la réforme doit être de renforcer la progressivité de l’impôt en fonction du niveau des revenus et des richesses pour qu’il redevienne « une contribution commune […] également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés », selon l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

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