« Fainéant·es » : filmer la marginalité

Karim Dridi brosse le portrait attentif de deux femmes et de leurs vies hors norme.

Pauline Guedj  • 28 mai 2024 abonné·es
« Fainéant·es » : filmer la marginalité
Le film prend le temps de regarder et le spectateur peut, avec ces personnages, observer sans voyeurisme un monde aux règles complexes.
© New Story Distribution

Fainéant·es/ Karim Dridi / 1 h 43 / sortie le 29 mai.

Fainéant·es est le résultat d’un long travail né de la rencontre du réalisateur Karim Dridi avec la comédienne Faddo Jullian. Dridi est captivé par l’actrice qu’il côtoie lors d’un atelier. Sa voix, sa prestance, ses mouvements mais aussi son mode de vie l’intriguent. La jeune femme traverse la France en caravane, elle s’implique dans le monde du travail selon ses besoins et privilégie la liberté de se déplacer. Dridi la suit pendant dix ans, puis monte avec la scénariste et productrice Emma Soisson un projet autour de ces individus auxquels on donne parfois le nom péjoratif de « punks à chien ».

Le projet donne naissance à Fainéant·es où Faddo Jullian tient le rôle principal, celui de Nina, associée à .jU., une comédienne non professionnelle, dont le personnage se nomme Djoul. Le récit retrace leur histoire, d’une expulsion de squat à une autre, entre errance, boulots saisonniers, conflits au sein des communautés qu’elles intègrent et résolution des difficultés inhérentes à toute vie précaire

Calme, méticulosité et attention

Filmé en scope, Fainéant·es se donne l’espace et le temps pour observer. Pas question pour Dridi d’adopter un filmage nerveux qui au premier abord pourrait être le miroir de la vie de ses protagonistes. Au contraire, il opte pour le calme, la méticulosité et invite le spectateur à s’imprégner des communautés qu’il découvre. Le réalisateur filme les gestes avec attention, les techniques que les jeunes femmes adoptent au travail, chez un vigneron, à l’usine, leur position lorsqu’elles font de la mécanique ou dansent pendant une fête. Il accorde également un intérêt précis à la parole.

Qu’est-ce que vivre ensemble dans la marginalité ?

Au début du film, Djoul et Nina vont chercher une amie dans un Ehpad et c’est posément qu’on découvre leur relation aux aînés entre fidélité et agacement. Plus tard, lorsqu’elles rejoignent une communauté menacée d’expulsion, le conseil du lieu est filmé dans ses contradictions. Qu’est-ce que vivre ensemble dans la marginalité ? Comment résister aux attaques des autorités et comment peut-on continuer à faire la fête ? Le film prend le temps de regarder et le spectateur peut avec ces personnages observer sans voyeurisme un monde aux règles complexes où un semblant d’autonomie ne se gagne qu’au prix de multiples négociations.

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Cinéma
Temps de lecture : 2 minutes