Les Républicains cherchent leur nouveau président (et leur boussole)

Le parti gaulliste doit désigner son nouveau leader, lors d’un congrès dont la tenue se fait attendre depuis le départ d’Éric Ciotti l’été dernier. Pris en tenaille entre la Macronie et l’extrême droite, il espère ainsi se relancer.

Paul Battez  • 20 janvier 2025 abonné·es
Les Républicains cherchent leur nouveau président (et leur boussole)
Bruno Retailleau et Laurent Wauquiez, en visite dans une nouvelle caserne de la gendarmerie française à Bas-en-Basset, le 22 novembre 2024.
© OLIVIER CHASSIGNOLE / AFP

“Nous allons devoir faire des choix, c’est la seule certitude”. Dans les couloirs du Palais Bourbon, une députée LR se garde de disserter sur l’avenir de son parti. Depuis l’aventure lepéniste d’Éric Ciotti l’été dernier, les Républicains attendent de connaître le nom de leur futur président. Mais alors que les finances sont peu reluisantes, et les adhésions en chute libre, aucune date de congrès n’a été définie – le délai maximum prévu a été dépassé bien avant Noël. “Ça sera au bureau politique du 4 février de fixer une échéance”, commente sobrement le cabinet de Laurent Wauquiez.

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Qui sera le nouveau patron ? Quelle ligne politique va s’imposer ? Étouffés par une extrême droite qui progresse à chaque élection, et des macronistes qui s’approprient leurs thèmes en même temps qu’ils les maintiennent sous assistance respiratoire, les Républicains sont à la croisée des chemins. Et si leurs récentes débâcles électorales n’invitent pas à l’optimisme, certains cadres veulent croire que la machine gaulliste peut être relancée. “Nous allons changer de nom, refonder notre ligne politique, et simplifier le message de la droite”, s’enthousiasmait encore Laurent Wauquiez devant des militants, en novembre dernier. Rien que ça…

Un duel Wauquiez / Retailleau ?

Il le cache à peine : chef des députés gaullistes à l’Assemblée, Wauquiez espère incarner le candidat naturel de la course à la présidence de son parti. L’éternel « futur grand chef de la droite » s’est lancé, dès l’automne, dans un tour des fédérations aux accents de campagne interne. L’occasion pour lui de marteler ses vieilles marottes – “restaurer l’ordre”, récompenser “la France qui travaille” et lutter contre “le fléau de l’assistanat” -, sans pour autant s’assurer d’un soutien sans failles parmi ses troupes. “Laurent attend toujours sa dynamique, mais on se demande si elle arrivera un jour”, ricane un ancien député LR.

Depuis Beauvau, l’omniprésent ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau suscite davantage d’engouement. Pour l’heure, l’ancien sénateur n’a certes pas manifesté son intention de se porter candidat. Mais il pourrait y être poussé par son entourage et certains élus, à mesure que ses sorties toujours plus conservatrices concernant l’immigration attisent les faveurs des électeurs de droite.

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Au-delà de ce duel, d’autres candidats pourraient s’inviter à la fête. À commencer par le maire de Cannes, David Lisnard, dont la ligne ultralibérale sur fond de trumpo-muskisme, pourrait séduire une droite qui ne se retrouve pas dans le prétendu tournant social que le Rassemblement national (RN) feint de prendre. “Présider un parti ce n’est pas rien, ça intéresse forcément du monde”, anticipe un ancien cadre gaulliste, qui n’exclut pas de voir également Xavier Bertrand ou Michel Barnier vouloir prendre leur part. “Mais pour l’instant, tout le monde sent que le moment n’est pas idéal pour se lancer”.

On n’a pas les moyens de nos ambitions.

Et pour cause : hier chéris sous le gouvernement Barnier, les députés LR voient aujourd’hui d’un mauvais œil l’arrivée du Parti socialiste (PS) à la table des négociations de François Bayrou. De quoi inciter Valérie Pécresse à montrer les muscles, indiquant le 13 janvier sur France Inter que son parti pourrait quitter le gouvernement en cas de suspension de la réforme des retraites – une option peu crédible, pour une famille politique qui entend s’opposer au blocage du pays.

Les avertissements de Laurent Wauquiez, qui s’essouffle à répéter « l’exigence » de son soutien à François Bayrou “texte par texte”, ne risquent pas non plus de donner des sueurs froides au premier ministre. Avec ses 47 députés, le groupe LR n’atteint pas la barre des 58 sièges requis pour déposer une motion de censure.“On n’a pas les moyens de nos ambitions”, souffle l’un d’entre eux.

Vers une « grande primaire de la droite » ?

Mis à mal par des macronistes dont le cap ne cesse de virer à tribord, LR n’existe plus qu’à travers des têtes d’affiche issues de ses courants les plus conservateurs, contraints de se placer dans la roue du RN. “C’est vrai qu’on est dans le flou, les adhérents sont parfois un peu perdus”, concède une cadre. Et si la famille gaulliste met en avant son unité face à l’onde de choc provoquée par le départ d’Éric Ciotti l’été dernier, la potentielle montée en puissance d’Édouard Philippe, candidat à l’élection présidentielle de 2027, promet de nouvelles secousses – d’autant que le “philippisme est une maladie très contagieuse à droite”, veut croire un ancien député LR.

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De quoi encourager certains à plaider pour une union des droites, projet régulièrement ressorti des placards par des élus lancés en croisade individuelle pour le pouvoir. Il n’y a qu’à voir les récentes déclarations de David Lisnard qui, lors de ses vœux à la presse le 16 janvier, a appelé à l’organisation d’ici à l’été d’une grande primaire de la droite en vue du prochain scrutin présidentiel, auquel il souhaite se porter candidat.

Côté LR, il reste encore à s’accorder sur les modalités du scrutin interne. En vigueur, le principe d’une primaire réservée aux adhérents LR pourrait être revu à l’occasion de la « refondation » défendue par Wauquiez. D’ici à là, le chef des députés tentera d’engranger un peu plus de points au jeu de « Qui est le plus à droite ? », lors de la prochaine niche parlementaire de son groupe. Prévue le 6 février, elle devrait le voir proposer de revenir sur le droit du sol à Mayotte.

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