« Les Fausses Confidences », une langue à sa juste place

Alain Françon revient avec profondeur à l’écriture de Marivaux, à rebours des clichés sur les « marivaudages ».

Anaïs Heluin  • 30 avril 2025 abonné·es
« Les Fausses Confidences », une langue à sa juste place
Grâce à une scénographie épurée, néoclassique, et un jeu à l’avenant, la puissance du verbe apparaît ici avec éclat.
© Jean-LouisFernandez

Les Fausses Confidences / jusqu’au 25 mai au Théâtre de la Porte Saint-Martin, 75010 Paris /

Avec Les Fausses Confidences, pièce qu’il a créée en 2024 et qui achève sa tournée au Théâtre de la Porte Saint-Martin à Paris, Alain Françon poursuit sur sa lancée Marivaux. Amorcée il y a plus de quarante ans avec La Double Inconstance (1981), puis reprise en 2021 avec La Seconde Surprise de l’amour, que programme aussi le théâtre parisien (1), cette exploration va à rebours de tous les clichés qui entourent encore aujourd’hui l’écriture de l’auteur du XVIIIe siècle. Comme lorsqu’il met en scène du Peter Handke, du Molière, du Tourgueniev ou, parmi les plus contemporains, du Nicolas Doutey, c’est la langue qui prime dans l’approche par ­Françon des pièces de Marivaux.

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Du 4 juin au 13 juillet.

Si « marivaudages » ou intrigues amoureuses alambiquées il y a dans Les Fausses Confidences d’Alain Françon, ce n’est pas dans le sens léger, voire un brin méprisant, que l’on donne habituellement à ce terme. Grâce à une scénographie épurée, néoclassique, et un jeu à l’avenant, la puissance du verbe apparaît ici avec éclat. Nul doute en effet que l’amour qui éclot entre la riche veuve Araminte (Georgia Scalliet) et le jeune avocat sans fortune Dorante (Pierre-François Garel) repose sur la stratégie avant tout langagière mise en place par Dubois. Ancien serviteur de Dorante, à présent au service d’Araminte, c’est lui qui fera naître chez cette dernière un sentiment assez grand pour la mener à enfreindre les conventions sociales.

Présent théâtral

« Quand l’amour parle, il est le maître ; et il parlera », dit Dubois que Gilles Privat incarne tel un marionnettiste aux façons subtilement burlesques. Toutes les machinations que met en place le domestique aboutissent en effet à la déclaration des deux amoureux. Cet heureux dénouement n’est toutefois pas l’unique objectif de Marivaux ni d’Alain Françon, qui s’en avère un très fin lecteur. Chaque étape du plan secret de Dubois, aux rouages régis avant tout par l’argent, est un moment qui vaut en soi comme expérience sur les liens entre la parole et le réel. C’est ainsi que la pièce de 1737 s’ancre dans le présent théâtral, sans que Françon ait besoin de chercher à la moderniser ni à la relier artificiellement à notre époque par la mise en scène.

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Théâtre
Temps de lecture : 2 minutes