« Le Genre idéal », une collection qui a la classe
Le musée d’art contemporain MAC/VAL célèbre ses 20 ans avec « Le Genre idéal », qui s’inspire avec finesse et malice de la hiérarchie des genres artistiques établie au XVIIe siècle. Pour mieux interroger le présent.
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© Adagp, Paris 2025
Le Genre idéal /jusqu’au 27 février 2027 au MAC/VAL / Vitry-sur-Seine (94).
Composée de peluches de toutes tailles et de toutes sortes, Les Restes II d’Annette Messager, qui accueille le visiteur du MAC/VAL à Vitry-sur-Seine (94), entretient le temps nécessaire à sa contemplation la fausse piste induite par le titre de l’exposition, « Le Genre idéal ». Avec cette œuvre dont les parties sont cloutées telles des insectes sur l’un des murs blancs du hall d’entrée du musée, le visiteur peu renseigné pourra en effet croire entamer une découverte de la collection d’art contemporain sous l’angle du genre tel que l’entend Judith Butler dans son célèbre essai Trouble dans le genre (1990).
Dans cette installation réalisée en 2000 comme dans l’ensemble de son travail, l’artiste interroge les gestes des femmes et leur place dans la société. Située tout près des jouets qui détournent le modèle du tableau de chasse, une impression en grand format d’une photographie d’Agnès Varda, La Mer immense, qui est pour sa part très fidèle à son titre, nous éloigne pourtant de la question du féminin et du masculin. D’une façon tout autre, l’installation Sinusoïdons de Philippe Mayaux nous mène aussi vers d’autres « genres », sans que l’on sache encore bien lesquels. Un objet en forme de galet relié à un moteur y dessine sur du sable des formes d’apparence aléatoire.
Persistances
Cette rencontre de trois œuvres très différentes témoigne d’abord de la richesse du fond du MAC/VAL, qui célèbre ses 20 ans avec « Le Genre idéal ». On peut aussi y voir la trace du mode de fabrication de l’exposition. Si le directeur du musée, Nicolas Surlapierre, en assure le commissariat principal, c’est en effet de façon non conventionnelle : toute l’équipe a participé à sa conception, dans le cadre d’ateliers et de débats. Cette organisation collégiale se prête bien à l’exploration ludique des « genres » dont on apprend bientôt qu’il est question ici : ceux de l’art, à partir du classement établi en 1667 par l’historien André Félibien.
Les créations que réunit l’exposition offrent un passionnant aperçu du paysage de l’art contemporain français au sens large.
Reprenant en se les appropriant les catégories historiques – la nature morte, le paysage, la scène de genre, le portrait et la peinture d’histoire –, les conservateurs de ce premier musée exclusivement consacré à la scène artistique en France depuis les années 1950 se livrent à un jeu des plus stimulants. Organisée en cinq sections baptisées « les biens », « les horizons », « les gestes », « les gens » et « les heures », afin d’actualiser la hiérarchie originelle qui a fait date et d’en interroger les persistances dans l’art contemporain, « Le Genre idéal » rassemble plus de 2 700 œuvres.
Des installations, toiles ou photographies d’artistes célèbres côtoient des pièces de plasticiens plus confidentiels, et ce n’est pas là la seule hiérarchie bousculée par l’accrochage. Qu’elles fassent appel à une seule ou à plusieurs techniques, les créations que réunit l’exposition offrent un passionnant aperçu du paysage de l’art contemporain français au sens large.
Identité ouverte
En accueillant de nombreuses œuvres réalisées en France par des artistes étrangers, tels le Camerounais Barthélémy Toguo, l’Irlandais Malachi Farrell (son installation animée Nature morte, où deux personnages en brindilles s’agitent sur des répliques de chaises électriques, est l’une des étapes marquantes du parcours) ou encore la performeuse japonaise Tsuneko Taniuchi, « Le Genre idéal » affirme l’identité ouverte qui est celle du MAC/VAL. Les frontières géographiques et culturelles sont donc elles aussi sinon inexistantes, du moins bien malmenées à l’occasion de cet anniversaire.
Cette exposition dit la nécessité de sortir de l’ère du classement.
La relation de Nicolas Surlapierre et de ses collègues aux cinq sections de leur exposition est également très libre. Dans son riche texte de présentation, le commissaire principal déploie le rapport aussi joueur qu’intellectuellement fertile qu’il entretient avec les hiérarchies historiques de l’art ainsi qu’avec l’art contemporain dans son ensemble. Interrogeant à la fois l’institution muséale et les œuvres et les artistes qu’elle abrite, cette exposition dit la nécessité de sortir de l’ère du classement. Non sans pointer en la matière un certain retard de l’art contemporain sur les grands mouvements de société récents tels que #MeToo. L’autre « genre », celui que décortique Annette Messager, n’est finalement pas si loin.
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