La terre est plate askip*

Face à Donald Trump, Emmanuel Macron veut séduire les postulants à « l’exil scientifique », comme il l’a annoncé lors du sommet Choose Europe for Science. Mais au-delà de l’accueil de scientifiques, c’est une politique générale de revalorisation de la recherche et des chercheurs dont nous avons besoin.

Pierre Jacquemain  • 7 mai 2025
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La terre est plate askip*
Emmanuel Macron, lors de la conférence « Choose Europe for Science » à l'amphithéâtre de l'université de la Sorbonne à Paris, le 5 mai 2025.
© Gonzalo Fuentes / POOL / AFP
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À ce qu’il paraît.

La science est politique. Emmanuel Macron ne l’a compris que trop récemment. Non pas parce que la recherche l’intéresse fondamentalement, mais parce qu’il est bien conscient qu’elle constitue un levier symbolique – et sans doute même plus que symbolique à moyen terme – dans le bras de fer qui l’oppose à Donald Trump. Ou plutôt dans le bras de fer que Trump impose au monde et où le président français entend jouer une place centrale. Une place qui ne lui coûtera que quelque 100 millions d’euros pour séduire les postulants à « l’exil scientifique », comme il l’a annoncé à l’occasion du sommet Choose Europe for Science.

Les chercheurs et les universitaires de l’Hexagone ont été ravis de découvrir que l’on pouvait trouver l’argent magique.

Les chercheurs et les universitaires de l’Hexagone ont été ravis de découvrir que l’on pouvait trouver l’argent magique en un claquement de doigts. Comme quoi, quand on veut, on peut. La politique est une affaire de volonté. Et si la science est politique, elle est avant tout une affaire de progrès humain. Nous en avons été les témoins directs pendant la période du covid, même si, à ce moment-là aussi, la recherche a été mise à rude épreuve par le bruit et le commentaire médiatiques.

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On ne va pas se mentir ni tomber dans l’anti-macronisme primaire. Même sous des airs cyniques, l’initiative du président est bienvenue. Mais avant de faire venir les plus grands chercheurs états-uniens, il serait opportun de s’interroger sur ces milliers de chercheurs qui, depuis des années, fuient la France pour les États-Unis – et qui seront sans doute tentés de revenir en France alors que Trump a décidé de s’attaquer à la recherche, des universités aux revues savantes en passant par certains programmes thérapeutiques, notamment contre le cancer.

Peut-être parce qu’il n’y a pas assez de place, dans nos universités délabrées, pour les doctorants ? Peut-être aussi parce que les crédits alloués à la recherche sont insuffisants et n’évoluent que partiellement : +1 % en dix ans ? Peut-être enfin parce que des programmes de recherche sont contestés, voire condamnés par le politique, et que certains laboratoires et diplômes sont menacés, quand ils ne sont pas supprimés ? Au-delà de l’accueil de scientifiques, c’est donc une politique générale de revalorisation de la recherche et des chercheurs dont nous avons besoin.

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Lors du discours d’Emmanuel Macron à la Sorbonne, les enseignants, les chercheurs et les scientifiques sont venus en nombre. En revanche, les élus, députés, sénateurs, maires, ministres n’étaient présents qu’à la marge. Un bien mauvais signal alors que, partout dans le monde, la croyance en la science perd du terrain. Rappelons qu’aux États-Unis le ministre de la Santé est antivax. Mais pas besoin d’aller outre-Atlantique pour contester la science.

La science au doigt mouillé, de Macron à Retailleau (…) pour justifier des politiques publiques revient ni plus ni moins à faire du Trump.

Ironie du sort, le jour même des annonces du président, Bruno Retailleau annonçait un durcissement des conditions d’accès à la naturalisation. Au nom d’une politique migratoire faite d’amalgames les plus nauséabonds et qui ne repose sur aucune donnée scientifique. Tous les travaux des chercheurs convergent vers quelques idées simples : il n’y a pas de submersion migratoire ; les migrations se font principalement des pays du Sud vers les pays du Sud ; il n’y a pas de lien entre immigration et délinquance.

Ne nous y trompons pas, la science au doigt mouillé, de Macron à Retailleau en passant par Le Pen ou Darmanin, pour justifier des politiques publiques revient ni plus ni moins à faire du Trump. Nous avons besoin d’une recherche libre et publique, à distance des intérêts privés et politiques. Pas vraiment ce à quoi nous a habitués Emmanuel Macron depuis 2017.

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Parti pris

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