Congrès du PS : Olivier Faure, stratège de l’unité, reste aux commandes du Parti socialiste

Le premier secrétaire, réélu au terme d’un congrès serré, a résisté aux assauts de ses opposants internes. Sa victoire ancre les socialistes dans une ligne unitaire.

Lucas Sarafian  • 6 juin 2025 abonné·es
Congrès du PS : Olivier Faure, stratège de l’unité, reste aux commandes du Parti socialiste
Olivier Faure, le 7 juillet 2024, à la Bellevilloise, à Paris, au soir du second tour des législatives anticipées.
© Maxime Sirvins

La rose ne s’est pas fanée. Tout le monde le disait perdant, esseulé, affaibli par le départ de certains proches comme le patron du groupe à l’Assemblée Boris Vallaud… Au terme d’un congrès disputé, Olivier Faure reste le premier des socialistes. Réélu avec 50,9 % des voix, il vainc son opposant, l’édile de Rouen Nicolas Mayer-Rossignol, crédité à 49,1 %.

Ce dernier était pourtant soutenu par un agrégat de personnalités allant du député de l’Eure Philippe Brun au médiatique maire de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) Karim Bouamrane en passant par l’édile de Vaulx-en-Velin (Rhône) Hélène Geoffroy ou la présidente de la région Occitanie Carole Delga. Même l’ancien premier ministre, Lionel Jospin, apprécié des militants, avait ses faveurs, de même que l’ancien président de la République François Hollande. Mais Olivier Faure, plus que jamais menacé, a tenu bon.

Depuis mon accession à cette fonction, me remplacer obsède ceux qui considèrent que jusqu’ici la maison socialiste était leur patrimoine.

O. Faure

Ce match, le premier secrétaire sortant s’y attendait. Accusé de diriger son parti de manière « clanique » depuis 2018, tenu responsable des échecs électoraux – et notamment du piètre score d’Anne Hidalgo (1,7 %) à la présidentielle de 2022 –, le député de Seine-et-Marne n’a jamais dévié de sa ligne. « Depuis mon accession à cette fonction, me remplacer obsède ceux qui considèrent que jusqu’ici la maison socialiste était leur patrimoine. Des élus – ou battus – pour la plupart ne manquant pas de qualités ou de talents mais qui jamais n’ont accepté de prendre les commandes au profit d’un obscur député sorti du rang qui n’était pas prévu au générique », écrit l’intéressé dans Je reviens te chercher (Robert Laffont, 2025).

En 2017, un parti en état comateux

Son histoire, c’est celle d’un homme qui a accepté de diriger un PS en état comateux, une « vieille maison » qui venait de vendre Solférino pour rembourser ses dettes, une formation que tout le monde méprisait. « En 2017, nous avons retrouvé un parti mort ou presque, chaque journaliste écrivait que c’était terminé, qu’on attendait plus que l’enterrement. Mais on a patiemment reconstruit une ligne idéologique et stratégique avec un objectif : conduire la gauche au pouvoir en 2027 », affirme pendant la campagne Pierre Jouvet, eurodéputé et lieutenant du patron des roses.

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Au soir du second tour des législatives anticipées le 7 juillet 2024, lorsque Faure monte au pupitre installé dans la salle de la Bellevilloise à Paris, le discours qu’on lui a imprimé n’est pas le bon. Pendant qu’il improvise, les images de ses années passées à la tête de son parti lui reviennent à l’esprit. « Ces années où nos partenaires de gauche nous regardaient comme des pestiférés, confie-t-il dans son essai aux accents autobiographiques. Ces années où je répétais à mes amis les mots du poète René Char – “à nous voir, ils s’habitueront” – sans vraiment savoir quand ils s’habitueraient. »

Dans la roue de Mélénchon ?

Les oppositions ne l’entendent pas de cette oreille. « Quand on sort de 2017, on est à 6 %. Avec Hidalgo, on est à 1,75 %. C’est Faure qui a choisi Hidalgo en 2022, il ne faut pas l’oublier. A un moment, quand on enchaîne les défaites, il faut changer d’entraîneur. Même Didier Deschamps, qui a gagné des trophées, s’est fait remplacer », griffait un sénateur socialiste il y a quelques mois.

Olivier Faure, le soir du second tour des législatives, à la Bellevilloise, à Paris, le 7 juillet 2024. (Photo : Maxime Sirvins.)

Ceux qui veulent renverser le chef l’accusent d’avoir empêché le parti de travailler idéologiquement et, surtout, d’avoir signé des accords de circonstances, pactisé avec La France insoumise (LFI) au point de vouloir effacer l’identité socialiste. Olivier Faure, le plus fidèle allié de Jean-Luc Mélenchon, vraiment ?

Selon ses opposants, l’ex-secrétaire général des jeunes rocardiens, l’ancien directeur adjoint du cabinet de François Hollande, premier secrétaire du PS entre 2000 et 2007, l’homme qui a hésité à entrer dans la campagne d’Emmanuel Macron en 2016 se serait soudainement converti à la gauche radicale. « Le projet de Faure ne donne rien, ça ne donne pas d’élan au parti », pique la maire Hélène Geoffroy, dans un café proche de l’Assemblée le 22 avril.

Le projet de Faure ne donne rien, ça ne donne pas d’élan au parti.

H. Geoffroy

Le camp d’Olivier Faure le martèle pourtant : le rapport à LFI n’est pas un sujet. Le premier secrétaire sortant plaide pour une « plateforme commune » allant de François Ruffin à Raphaël Glucksmann, excluant ainsi Jean-Luc Mélenchon et les siens. Mais peu importe, les oppositions le voient toujours comme un traître ayant vendu son parti à Jean-Luc Mélenchon. Pourtant, le mariage avec les insoumis n’a jamais été une idylle.

Dans la nuit du 10 au 11 avril 2022, quelques heures seulement après le crash électoral d’Anne Hidalgo, Olivier Faure consulte ses plus proches. Autour de son bureau au siège du parti à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), Carlos Da Silva, alors directeur de cabinet, Fatima Yadani, la trésorière du parti, ses conseillers Maxime des Gayets, Soraya Allam-Hernandez, Baptiste Maurin et Thibault Delahaye, la numéro deux du parti Corinne Narassiguin, et ses bras droits, Luc Broussy, Sébastien Vincini et Pierre Jouvet. Ce dernier prend la parole pour présenter les alternatives. Option un : la stratégie solitaire. Option deux : l’alliance avec Emmanuel Macron. Option trois : chercher à négocier avec les insoumis.

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« Je vous la fais courte, c’est Mélenchon ou le cimetière », résume Pierre Jouvet (1). Olivier Faure le sait : le salut du PS se trouve dans l’union de la gauche. Le 22 avril, il envoie un texto à l’ex-ministre de Lionel Jospin : « À ta disposition pour échanger. En totale confidentialité. » La Nouvelle union populaire, écologique et sociale (Nupes) naîtra. Au cœur de cette alliance, le PS retrouvera des couleurs. Les anti-Faure ne le supporteront jamais.

1

Scène racontée dans Voyages au bout de la gauche (Stock, 2022), Laurent Telo, page 150.

Attaqué par les insoumis et le gouvernement

Depuis plusieurs mois, les mélenchonistes ont fait d’Olivier Faure leur cible. Ils considèrent que le chef des socialistes s’est « droitisé », se rangeant dans le camp de ceux qui veulent en finir avec l’union des gauches. « Faure n’a fait que courir derrière ses opposants, leurs discours sont les mêmes. Et quand on s’aligne avec ses opposants, on perd. C’est une règle en politique : les gens préfèreront toujours l’original à la copie », pariait un proche de Jean-Luc Mélenchon il y a plusieurs semaines.

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L’accord de non-censure que le premier secrétaire a négocié en janvier avec le gouvernement de François Bayrou est resté en travers de la gorge des troupes du triple candidat à la présidentielle. Mais Olivier Faure ne regrette rien : « Nous avons unanimement choisi d’entrer en discussion pour la seule raison que la situation de la France est fragile et qu’elle suppose des dirigeants politiques qui ne jouent pas la politique du pire parce que la politique du pire peut conduire le pays à la pire des politiques, c’est-à-dire l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir. »

Il l’assume : sa gauche ne ressemble pas à celle qui conflictualise tout, qui refuse le compromis et qui, selon lui, défend une ligne politique de « classe contre classe » à l’image du Parti communiste des années 1930.

Alors que le congrès bat son plein, certains membres du gouvernement espèrent le voir perdre. « Si c’est Faure qui reste, qu’est-ce qu’il apporte de nouveau ? », feint de se demander une ministre, imaginant que la défaite du patron des roses éteindrait tout espoir d’union de la gauche, ce qui offrirait au futur candidat du bloc central une surface politique plus importante. Aujourd’hui, ce scénario peut être rangé au fond d’un tiroir. Car la réélection d’Olivier Faure ancre le PS dans une ligne unitaire. De ce fait, l’union de la gauche hors LFI, grâce à une primaire ou pas, reste un horizon possible.

Destin

Depuis quelque temps, certains lui prêtent de grandes ambitions. Et désormais, aucun socialiste ne peut lui mettre des bâtons dans les roues. Mais Olivier Faure a-t-il les épaules ? Après tout, il y a déjà pensé. Après le lancement du Nouveau Front populaire (NFP), écolos, communistes, insoumis et socialistes se cherchent, durant l’été 2024, un candidat pour Matignon.

Si je devais compter le nombre de poignards alignés dans mon dos (…) je m’arrêterais de marcher.

O. Faure

Olivier Faure se propose : « Je consulte quelques proches qui me disent qu’il y a surtout des coups à prendre. Sans doute. Cela a été ma vie quotidienne depuis 2018. Si je devais compter le nombre de poignards alignés dans mon dos, les cicatrices dont je suis recouvert, je m’arrêterais de marcher. Mais à quoi servent les pleutres qui n’avancent que lorsque la réussite est déjà assurée ? Il faut prendre son risque. J’y suis prêt. » Néanmoins, les écolos et les insoumis refusent l’offre. L’histoire choisira finalement Lucie Castets, cofondatrice de l’association Nos services publics.

Et pour 2027 ? « Il va falloir qu’il nous dise clairement s’il veut être candidat à la présidentielle, le presse Nicolas Mayer-Rossignol pendant la campagne. J’ai dit personnellement que je ne souhaitais pas être candidat, mais j’observe un certain flou de son côté. » L’intéressé réfute : « Ce congrès n’a pas vocation à désigner un candidat ou une candidate à l’élection présidentielle. Il a déjà vocation à désigner une majorité et un premier secrétaire, une ligne et un agenda, c’est largement suffisant. » La suite reste à écrire.

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Politique
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