Contre la guerre, aux États-Unis : « Nous ne voulons plus de morts, plus de victimes »

Des rassemblements sont organisés depuis une semaine aux États-Unis contre l’attaque américaine en Iran. Si la taille des manifestations reste minime, l’opposition à l’intervention américaine est forte dans la population, y compris chez certains soutiens de Donald Trump.

Edward Maille  • 27 juin 2025
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Contre la guerre, aux États-Unis : « Nous ne voulons plus de morts, plus de victimes »
Siomara Rodriguez est opposée aux interventions militaires américaines à l’étranger « depuis le Vietnam »
© Edward Maille

Siomara Rodriguez n’en est pas à sa première manifestation antiguerre. Elle s’est opposée aux interventions militaires américaines à l’étranger « depuis le Vietnam », explique-t-elle sur le bord de la route, dans le centre-ville d’Athens en Géorgie, dans le sud-est du pays. Une vingtaine de personnes brandissant des pancartes, ce mercredi 25 juin, comme « ne touchez pas à l’Iran ». Le groupe s’oppose aux attaques ordonnées par Donald Trump afin de détruire trois sites d’enrichissement nucléaires iraniens, avec la crainte d’une escalade et du retour de l’interventionnisme militaire américain.

Depuis l’opération, il y a moins d’une semaine, plusieurs rassemblements ont eu lieu aux États-Unis pour s’opposer à la décision de Donald Trump. Les manifestations étaient de petite taille, très loin de celles dites « No Kings » [pas de rois] contre les politiques du milliardaire, où plusieurs millions de personnes sont descendues dans les rues. « Peu importe si vous avez une foule de 500 ou 5 personnes, ce qui compte est de sortir, et montrer qu’on ne soutient pas cela », explique Trey Holloway, 24 ans, un keffieh par-dessus ses épaules, sur son costume. Il est membre du Parti pour le socialisme et la libération (PSL) – situé tout à gauche sur l’échiquier politique américain – qui organise cette manifestation.

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Il estime que l’attaque sur l’Iran était « une violation de leur souveraineté ». Il s’oppose à toute intervention américaine ou étrangère pour faire tomber le régime des mollahs. « La lutte est dans leur pays, c’est une lutte pour les Iraniens, et c’est à deux d’en décider et de la mener. » Les manifestants énumèrent leurs raisons pour se tenir en cette fin d’après-midi sous une chaleur étouffante, avec un ressenti de 35 degrés. « Les gens ont en plus que marre des guerres. L’argent devrait être pour répondre aux besoins de la population, tels que les soins de santé, l’éducation ou le logement », explique Siomara Rodriguez, 76 ans, qui voit l’attaque comme « une escalade ».

« Nous voulons que ça s’arrête, continue-t-elle. Je souhaite un cessez-le-feu permanent, nous ne voulons plus de morts et de victimes. » Mais la retraitée reste sceptique vis-à-vis du cessez-le-feu négocié par Donald Trump. « J’ai parfois du mal à suivre ce qu’il dit, parce qu’il oscille : il peut dire une chose et ensuite une autre très différente. Dès qu’il a annoncé un cessez-le-feu, Israël a commencé à lancer des missiles. » Après cela, le président avait vivement critiqué Israël pour cette attaque.

L’argent devrait être pour répondre aux besoins de la population, tels que les soins de santé, l’éducation ou le logement.

S. Rodriguez

Si la taille de ces rassemblements reste mince à l’échelle du pays, ils illustrent le sentiment d’une part importante des Américains. 56 % n’approuvent pas de l’opération en Iran, selon un sondage réalisé par SSRS pour CNN, publié mardi 24 juin. Certains élus démocrates ont tout de même soutenu l’attaque, mais la majorité l’ont dénoncé. Un point suscite l’ire de la gauche américaine : la décision de Donald Trump de mener ces frappes sans l’autorisation du Congrès, vu comme un outrepassement de plus, par le président, des règles du pays.

Division chez les Démocrates

Mais la réponse des démocrates est pour l’instant désordonnée. Quelques élus de la Chambre des représentants ont tenté de lancer une procédure d’« impeachment », une mise en accusation formelle contre le président. La mesure n’avait aucune chance d’aboutir, puisqu’il faut une majorité de votes, dont les Républicains disposent. Mais la majorité des députés démocrates n’ont pas soutenu la mesure. Un exemple de plus des divisions du camp démocrate sur la façon de s’opposer à Donald Trump.

Sur le bord de la route à Athens, plusieurs manifestants tentent au moins de faire entendre leurs voix. Ils se succèdent pour prendre la parole. Certains s’époumonent dans le micro. Le groupe manifeste également en soutien des Palestiniens, contre le soutien américain à Israël, avec des pancartes « mettre fin au génocide ». « L’argent de vos impôts va tuer des enfants », dénonce Jawahir Kamil, 52 ans, au micro.

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« En tant qu’être humain, nous ne voulons pas que d’autres personnes meurent, et nous ne voulons pas être complices en utilisant l’argent de nos impôts », explique-t-elle ensuite. Mike Almestica, lui, n’avait pas manifesté « depuis un moment ». Les événements ont rappelé à l’employé dans un supermarché l’invasion américaine en Irak. « Je ne pouvais pas juste rien faire », justifie l’homme de 35 ans. Certaines voitures klaxonnent en soutien à la foule. Dans son pick-up, un autre homme hurle « Allez Trump ». « Donald Trump a pourtant fait campagne contre la guerre », regrette Jawahir Kamil.

Le milliardaire a promis de ne pas engager le pays dans un conflit armé s’il n’y avait pas de menace directe. La promesse s’inscrit dans sa vision de l’« America first » [l’Amérique d’abord], en s’opposant à la vieille garde républicaine, surnommée « les faucons », ou « neocons » [pour néoconservateurs], en faveur d’un interventionnisme militaire. La décision de Donald Trump d’attaquer l’Iran a mis en lumière ces tensions au sein du socle électoral du président.

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La grande partie des élus républicains au Congrès ont soutenu la Maison Blanche. Mais l’élue de Géorgie, Marjorie Taylor Greene, importante figure du mouvement MAGA [Make America Great Again], a dénoncé cette décision et les frappes américaines, tout en maintenant son soutien au président pour le reste de ses politiques.

Avant l’opération, d’autres personnalités médiatiques ultraconservatrices s’étaient clairement opposées à une intervention militaire américaine, comme Steve Bannon, ancien conseiller de Donald Trump et figure du populisme d’extrême droite, Tucker Carlson, ancien présentateur sur Fox News, ou Charlie Kirk, fondateur de l’organisation d’extrême droite, Turning Point Action.

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Depuis l’attaque, certains ont atténué leurs critiques. Difficile de savoir s’ils soutiennent réellement l’opération menée par Washington, ou s’ils souhaitent garder l’unité de leur mouvement. Mais la décision de Donald Trump d’attaquer seulement les sites nucléaires, sans chercher à renverser le régime en place et sans envoyer de troupe sur le terrain semble convenir aux isolationnistes. L’influenceur Charlie Kirk a estimé sur le réseau social X que le président avait réalisé une « masterclass », en retirant les missiles nucléaires iraniens, sans engager plus que cela l’armée américaine. Il ne faudrait surtout pas remettre en question l’allégeance au chef.

Mais les manifestants, eux, n’ont pas cru à la promesse du président. En cette fin de journée, une personne brandit un drapeau palestinien. Pour Nick, 26 ans, Donald Trump « a dit beaucoup de chose pendant sa campagne qui se sont révélés être fausses ». 

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Publié dans le dossier
Face au pouvoir des bombes, les peuples
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