Handicap : sortir de l’hétérosexualité
Malmenées par la norme hétérosexuelle, les personnes handicapées subissent la violence d’un modèle qui ne les pense pas comme désirables. Rejoindre les luttes queers, comme l’invite le Mois des fiertés, c’est refuser cette injonction à la normalité.

Le modèle hétérosexuel est un spécimen de normalité, comme aucun autre domaine de nos vies. Personne n’aura pu échapper à ce fil narratif idéalisé qui imprègne toute la société, qu’on inculque dès le berceau aux petites filles roses et aux petits garçons bleus, jouant au papa et à la maman. Chansons, films, romans, jeux ou comptines ne parlent que de ça : une vie bien rangée, un chemin tout tracé avec des étapes bien cadrées, du premier baiser au mariage, et la maternité comme aboutissement ultime.
Si, au fil des générations, de plus en de voix s’élèvent contre ce carcan, depuis la marge, cette normalité peut apparaître comme un doux refuge. Un ticket d’or pour se voir exister au monde, lorsque l’on peine à y trouver sa place.
Mais il ne suffit pas de le souhaiter, car les personnes handicapées sont exclues de facto de ce socle imaginaire quasi universel. C’est implicite ou explicite : elles sont perçues comme incasables, indésirables. On préfère les penser asexuelles, et souvent même asexuées. De toute façon, on les voit peu dans les lieux de rencontres, qu’ils soient festifs ou professionnels, parce que la société néglige leur accès. Si elles accèdent toutefois à une vie de couple, on empêchera leur parentalité par tous les moyens.
Ainsi, de nombreuses personnes handis déploieront une énergie considérable pour tenter de se couler dans le moule normatif. On porte un masque, on tente d’enjoliver nos corps tordus avec les atours attendus, on contraint nos manières bizarres aux codes majoritaires, on sacrifie beaucoup pour braver l’inaccessibilité en minimisant la réalité de nos parcours. Chemin semé de petites et profondes souffrances, pour un bénéfice incertain.
Parfois, la société valide, se pensant déconstruite, consent du bout des lèvres à nous envisager comme sexuellement actifs, avec un frisson d’horreur mêlée d’excitation. « Les personnes handicapées ont également des désirs, ce sont des personnes comme vous et moi, offrons-leur des séances d’assistance sexuelle ! »
Dans nos fauteuils roulants, dans nos fatigues chroniques ou nos institutions, nous soupirons.
Sous le vernis du handicap, lorsque l’on ose s’écouter, nous sommes riches de bien plus que cette norme impensée pour nous.
Sur nos chemins de traverse, affirmé·es, désirant·es, nous bouillonnons de diversité.
Nos sexualités, même hétéros, sont aussi (a)normales que nos vies, et nous devons oser en être fièr·es. Oser reconnaître que ce carcan n’est pas pour nous, et en faire une chance. Oser rejoindre nos adelphes queers dans cette célébration de l’affirmation de soi.
Handis et queers, folles et fols, revendiquons nos étrangetés.
Au-delà de la joie militante, nos combats sont liés. Nos moindres pas de côté sont psychiatrisés, contrôlés, on nous stérilise, on nous isole et nous impose des thérapies qui n’ont pour but que notre normalisation, nos santés mentales vacillent au gré des violences subies…
Handis et queers, folles et fols, revendiquons nos étrangetés, refusons de faire un problème de ce qui ne nous fait pas souffrir.
Nous sommes tordu·es et nous sommes libres, soyons-en fièr·es.
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