Le combat des travailleuses du sexe est plus urgent que jamais

50 après l’occupation de l’église Saint Nizier à Lyon, et 10 ans après la loi de 2016, la sénatrice Anne Souyris (EELV) appelle à écouter les revendications actuelles des travailleuses du sexe et à rouvrir le débat parlementaire sur la pénalisation des clients.

• 2 juin 2025
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Le combat des travailleuses du sexe est plus urgent que jamais
Rassemblement à Paris, le 16 juillet, en mémoire de Geraldine, femme trans et travailleuse du sexe, assassinée à Paris.
© Hugo Boursier

Le 2 juin 1975, des centaines de travailleuses du sexe occupaient l’église Saint-Nizier à Lyon. Pendant huit jours, elles y dénonçaient les violences policières, l’hypocrisie sociale et la précarité. Elles réclamaient tout simplement le droit de vivre et de travailler en sécurité. Ce soulèvement inédit marquait le point de départ d’un mouvement politique de travailleuses du sexe en France et à travers le monde.

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Cinquante ans plus tard, où en est-on ? En 2025, à l’aube des 10 ans de la loi de 2016, dite de « lutte contre le système prostitutionnel », la situation est plus qu’alarmante. Présentée comme une mesure progressiste, cette loi a profondément aggravé la précarité, l’isolement et la dangerosité du travail sexuel. En pénalisant les clients, elle a plongé les travailleuses du sexe dans l’ombre, a supprimé la possibilité de pouvoir choisir ses clients, a rendu les négociations des tarifs plus risquées, a renforcé la dépendance aux réseaux et empêché de nombreux parcours de soins ou de sortie, là où les associations proposaient déjà des accompagnements sans jugement.

Rouvrir le débat parlementaire

Depuis son adoption, les rapports s’accumulent, et tous convergent : la loi de 2016 a rendu les conditions d’exercice du travail sexuel plus clandestines – entraînant un lot de violences accru, et précarisé une population déjà fortement stigmatisée.

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Ainsi, les meurtres de travailleuses du sexe se multiplient dans l’indifférence généralisée, dans des conditions toujours plus atroces. Leurs morts ne provoquent ni minute de silence à l’Assemblée, ni quelques caractères sur les réseaux sociaux de la ministre chargée de l’Égalité. Le silence sur ces morts est une violence en soi.

Cette loi, comme celles encadrant le proxénétisme, n’a pas tenu ses promesses de protection.

La loi du 13 avril 2016 va bientôt fêter ses 10 ans, il est temps de rouvrir le débat parlementaire. Cette loi, comme celles encadrant le proxénétisme, n’a pas tenu ses promesses de protection. Pire : elle a renforcé les risques, criminalisé les solidarités et invisibilisé les premières concernées.

Il est urgent de réinterroger la pénalisation des clients, mais aussi l’extension abusive de la définition du proxénétisme, qui permet aujourd’hui de poursuivre des proches, des colocataires, des bailleurs, voire des associations venant en aide aux travailleuses du sexe. Pour finalement permettre de facto aux vrais proxénètes, ceux qui font de la traite des êtres humains, ceux incitent et maintiennent les femmes les plus précaires sous leur joug, de continuer leur business, leur activité étant noyée dans un concept aussi flou que banalisé.

Un combat loin d’être terminé

La France ne peut plus continuer à faire semblant de protéger tout en réprimant à l’aveugle. Il est temps de repenser en profondeur la législation sur le travail sexuel, d’ouvrir un débat national impliquant les premières concernées, et de construire un droit fondé non sur une morale hors sol, mais sur la réalité des vécus, la dignité, et la protection effective des personnes.

Les travailleuses du sexe n’ont, elles, jamais cessé de lutter. Elles s’organisent, manifestent, accompagnent, prennent soin les unes des autres.

50 ans après Saint-Nizier, le combat des travailleuses du sexe est loin d’être terminé. Les travailleuses du sexe n’ont, elles, jamais cessé de lutter. Elles s’organisent, manifestent, accompagnent, prennent soin les unes des autres. Ce sont elles qui au quotidien construisent les politiques de réduction des risques, organisent les solidarités sur terrain. Les travailleuses du sexe ne réclament pas d’être « sauvées ».

Elles exigent des droits, de la sécurité et de la dignité. Il est temps de faire entendre leur voix là où se décident les lois, pour que ces lois deviennent enfin protectrices contre les violences.

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