L’appel des Glières à la résistance, « pour un territoire plus durable, solidaire et partagé »

Plusieurs associations, mouvements et collectifs locaux réunis au Rassemblement des Glières le samedi 31 mai 2025, affirment dans une tribune leur volonté de continuer de lutter contre l’ensemble des grands projets écocides de ce territoire alpin français.

Collectif  • 11 juin 2025
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L’appel des Glières à la résistance, « pour un territoire plus durable, solidaire et partagé »
Au rassemblement des Glières, du 30 mai au 1er juin 2025.
© Michel Soudais

« Le verbe Résister doit toujours se conjuguer au présent. »
Lucie Aubrac

Notre territoire, riche de ses paysages extraordinaires, entre lacs, rivières et montagnes célèbres, exerce une fascination bien au-delà de nos frontières. Depuis des décennies, son patrimoine naturel exceptionnel attire toujours plus de touristes venus des quatre coins du monde tandis que son dynamisme économique, boosté en grande partie par l’attractivité de Genève et ses revenus mirobolants, suscite la convoitise de milliers de salarié-es.

Ainsi le département de Haute-Savoie continue de voir sa population augmenter d’au moins 8 000 habitant-es supplémentaires chaque année, en faisant un des plus dynamiques du pays. Mais derrière la carte postale idyllique de cette soi-disant « prospérité », se cache une réalité beaucoup moins flatteuse, celle d’un territoire de plus en plus artificialisé, sur lequel les inégalités sociales et les pollutions diverses explosent.

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Se loger au sein d’un parc immobilier totalement inaccessible relève du parcours du combattant, se soigner est de plus en plus difficile, respirer un air pur devient du luxe, en particulier dans la vallée de l’Arve ou sur le bassin annécien, un comble au pays des montagnes, etc. Il semble qu’il y ait finalement « quelque chose de pourri au royaume » de la Yaute, devenu quatrième département le plus inégalitaire de France. Sans compter que dans nos montagnes, le changement climatique est encore plus impactant qu’ailleurs, les glaciers des Alpes ayant par exemple diminué de 10 % ces deux dernières années (2).

2

Les glaciers de l’Europe centrale ont perdu 39 % de leur masse entre 2000 et 2023. Les glaciers des Alpes françaises vont probablement perdre 75 % de leur surface en 2050 par rapport à aujourd’hui. Parmi les 510 glaciers en France d’aujourd’hui, seuls une vingtaine de glaciers subsisteront à cette date.

Face à ces immenses périls sociaux et environnementaux, on pourrait s’attendre à ce que les décideurs locaux prennent le taureau par les cornes. Or, la plupart semblent vouloir continuer vaille que vaille à exploiter la manne du surtourisme, sports d’hiver en tête, et des retombées financières de la surchauffe genevoise, selon un modèle économique totalement obsolète sur une planète qui brûle. La preuve en est des plus ou moins grands projets inutiles et imposés qui continuent de se multiplier dans nos montagnes et nos vallées :

  • nouvelles zones commerciales ; 
  • retenues d’altitude pour alimenter les canons à neige ; 
  • autoroute supplémentaire comme le projet d’A412 entre Machilly et Thonon ;
  • infrastructures sportives démesurées comme le projet de vélodrome de la Roche-sur-Foron, heureusement stoppé à temps grâce à la mobilisation citoyenne ;
  • projet du Lyon-Turin aux impacts environnementaux incommensurables pour toute la région ;
  • projet de construction de deux EPR sur le site nucléaire du Bugey à côté des quatre plus vieux réacteurs français en fonctionnement ;
  • projet de collisionneur circulaire (le FCC) pharaonique du Cern qui viendrait impacter encore davantage nos si précieuses ressources aquifères, forestières et agricoles là où la sobriété est une urgence absolue ;
  • les JOP 2030 qui se tiendront dans tout l’arc alpin français.

Tous ces projets, bien au-delà de leurs différences, dessinent un même monde, celui de l’artificialisation accélérée du territoire et de l’accaparement des communs au profit d’intérêts privés, selon une course en avant mortifère alors que sept limites planétaires sur les neuf existantes sont d’ores et déjà franchies, hypothéquant l’habitabilité même de la planète à très court terme. Un monde où la démocratie n’est plus qu’un vain mot, les personnes les plus impactées par les aménagements voyant leur voix totalement ignorée.

Il est plus qu’urgent de construire un autre récit pour notre territoire.

Il est plus qu’urgent de ralentir et d’enfin réfléchir à ce que nous faisons de nos ressources, pour nous et nos enfants. Il est plus qu’urgent de revoir nos priorités, pour garantir notamment notre souveraineté alimentaire (3) en protégeant nos terres agricoles de la rapacité financière et de la pollution radioactive qui en rendrait la culture dangereuse pendant des milliers d’années. Il est plus qu’urgent de construire un autre récit pour notre territoire, désirable car enfin durable et partagé par le plus grand nombre, rendant sa fierté à l’ensemble des habitantes et habitants d’un espace qui a su résister au cours de l’Histoire.

3

Entendue dans son sens originel issus des travaux de la Via Campesina Rome 1996 : la capacité des peuples à choisir et à disposer de leur alimentation.

Cela tombe bien, ce récit existe déjà. Nous l’écrivons en ce moment même, nous associations, mouvements, collectifs, syndicats ou simples citoyennes et citoyens qui luttons sur le terrain pour la préservation de nos biens communs. Nous ne nous contentons pas de rejeter tous ces projets écocides et démesurés au nom de l’intérêt général, mais nous inventons surtout un autre monde possible et désirable.

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C’est pourquoi nous, associations, mouvements et collectifs locaux réunis au Rassemblement des Glières le samedi 31 mai 2025, déclarons être solidaires les un-es des autres et continuer de résister à l‘ensemble des grands projets écocides et/ou qui préparent la guerre, en cours ou à venir, en proposant d’autres voies, comme une convention citoyenne alpine pour un autre usage de nos montagnes, pour inventer un territoire plus démocratique, durable, solidaire et partagé.

Nous ne nous résignerons pas !

Citoyen-nes Résistant-es d’Hier et d’Aujourd’hui, France Nature Environnement Haute-Savoie, La Confédération Paysanne 74, CO-CERNés, Noé 21, Collectif Fier-Aravis, NO JO!, Vivre et Agir en Maurienne, Collectif Stop-Bugey, Collectif Citoyen JOP 2030, Amis de la Terre en Haute-Savoie…

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