VivaTech : le salon des start-ups écocides

Paris accueille Viva Technology, le plus grand salon européen dédié au secteur de la tech et aux start-ups. Dans ce temple de la sacro-sainte innovation, l’écologie est l’éternelle absente, cantonnée à de néfastes inventions technosolutionnistes.

Thomas Lefèvre  • 13 juin 2025 abonné·es
VivaTech : le salon des start-ups écocides
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© Thomas Lefèvre

C’est un monde parallèle. Un monde dans lequel l’urgence climatique, l’effondrement de la biodiversité et la pollution atmosphérique sont autant d’opportunités économiques. Un monde essentiellement masculin, où l’on parle growth (croissance en français), progrès et entrepreneuriat, tout en buvant du matcha latte. Bienvenue dans l’univers des start-ups.

Au sein de cet entre-soi, il y a au moins un rendez-vous annuel à ne pas manquer : le salon Viva Technology (VivaTech). Du 11 au 14 juin, le « plus grand événement européen de la tech » réunit plus de 13 000 start-ups, 160 000 visiteurs et 3 500 exposants au Parc des expositions, à Paris, pour « quatre jours de célébration de l’innovation ». Dans ce grand raout, les multinationales LVMH, TotalEnergies ou Tesla par exemples, côtoient les stands des acteurs du secteur public et ceux des jeunes pousses émergentes, venues des quatre coins du monde.

IA et recyclage

« L’intelligence artificielle (IA) est sans conteste la vedette, aux côtés du quantique, de la blockchain et de la robotique », peut-on lire dans le communiqué de presse de cette neuvième édition de VivaTech. Les enjeux écologiques sont relégués au second plan. Pourtant, c’est un fait établi : l’intelligence artificielle est très gourmande en énergie et en eau.

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D’après un rapport de l’Agence internationale de l’énergie, la consommation électrique mondiale des data centers, nécessaire au fonctionnement de l’IA, devrait doubler d’ici 2030, pour atteindre l’équivalent de la consommation actuelle d’un pays comme le Japon. Les promesses d’une IA frugale semblent bien lointaines, en témoignent les investissements records dans la construction de data centers.

Les promesses d’une IA frugale semblent bien lointaines, en témoignent les investissements records dans la construction de data centers.

Mais pas de panique, Publicis Groupe et Les Échos-Le Parisien, organisateurs de l’événement, assurent que « VivaTech s’engage en faveur du développement durable ». Comment ? En mettant à disposition des poubelles de recyclage pour les badges d’accès au salon – en carton – pour les participants venus du monde entier, mais aussi en défendant « une technologie porteuse d’impact positif et durable ». En d’autres termes, en faisant du technosolutionnisme. Une croyance selon laquelle les avancées technologiques permettraient de résoudre les problèmes sociaux et écologiques, dont elles sont pourtant souvent à l’origine.

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Bien souvent, ces inventions ne font qu’aggraver la situation, en consommant davantage de ressources. Mais pour les ardents défenseurs du monde de la tech, refuser une innovation serait nécessairement un retour en arrière. Par exemple, pour défendre le déploiement de la 5G en France en 2020, Emmanuel Macron ironisait sur ceux qui souhaitaient le « retour à la lampe à huile ».

La « climate tech » à la rescousse

En langage start-up, les nouvelles technologies appliquées aux enjeux environnementaux sont regroupées sous le sobriquet de « climate tech ». « Pour cette neuvième édition, encore plus de place a été faite aux technologies et innovations à impact à travers l’Impact Bridge », indiquent les organisateurs.

« L’Impact Bridge » est un espace, au sein du salon, où le bois et les murs végétalisés remplacent le plastique et les néons. Plusieurs entreprises et quelques associations sont présentes. La société française Bibakdes est l’une des stars de cette section. Cette dernière se vante d’être « la solution tech industrielle qui facilite le retour de la vaisselle réutilisable », et promet de proposer une solution zéro déchet… en commercialisant des bornes connectées.

Au salon VivaTech, ce mercredi 11 juin 2025, à Paris.

Au sein du salon VivaTech, le ministère de la Transition écologique est représenté par Ecolab, « le laboratoire de l’innovation au service de la transition écologique ». Une de leur mission principale est de décerner le label GreenTech aux « start-ups et PME qui innovent au service de la transition écologique ». Ce label permet, entre autres, d’avoir accès à un réseau d’incubateurs et à un service d’accompagnement.

Depuis sa création en 2016, 290 entreprises sont lauréates. Parmi celles-ci, on trouve par exemple Estuaire, qui propose de « mesurer et réduire l’empreinte carbone de l’aviation » en optimisant la trajectoire des avions, ou en réduisant la formation des traînées de condensation. Vous pouvez aussi « devenir propriétaire d’arbres » pour 18 euros, avec la start-up Ecotree.

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Soit des initiatives qui mettent l’accent sur les petits gestes et la responsabilité individuelle, et qui proposent des optimisations à la marge, sans s’attaquer aux causes systémiques de l’urgence écologique. De la poudre aux yeux finalement. Ces actions s’inscrivent dans la lignée de celles proposées par les gouvernements successifs d’Emmanuel Macron, avec qui les reculs écologiques s’enchaînent.

Le président de la « start-up nation »

Le président de la République a déambulé en personne dans les allées de VivaTech, ce mercredi 11 juin, au lendemain de sa visite à Nice, dans le cadre de la Conférence des Nations unies sur l’Océan. Le chef de l’État est un habitué du salon de la tech. Il a créé le label « French Tech » en 2013, et ne cesse de faire l’éloge de celui-ci. Défenseur de la « start-up nation », façon de valoriser l’entreprenariat français, le chef d’État a participé à une table ronde, le 11 juin, avec Arthur Mensch, cofondateur de la start-up française Mistral AI, et Jensen Huang, PDG de Nvidia, géant américain de la conception de cartes graphiques.

La France aime ses entrepreneurs et ses entrepreneuses. Ils permettent de changer le monde dans le bon sens. 

E. Macron

Lors de cette conférence, le président a déclaré que « la France aime ses entrepreneurs et ses entrepreneuses », en justifiant que les emplois créés par ces derniers permettraient « de relever le défi de l’écologie » Et d’ajouter : « Ils permettent de changer le monde dans le bon sens. » Si, pour lui, ce sens est celui du statu-quo, de l’inaction climatique et de la fuite en avant technologique, alors, on ne peut que lui donner raison.

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