Jeunes du parc de Belleville : le bras de fer avec la Mairie de Paris continue 

Lundi 21 juillet, une délégation du collectif des jeunes du parc de Belleville était reçue par Léa Filoche, adjointe à la Mairie de Paris, pour demander un hébergement d’urgence. Le collectif dénonce un tri des bénéficiaires.

Élise Leclercq  • 21 juillet 2025 abonné·es
Jeunes du parc de Belleville : le bras de fer avec la Mairie de Paris continue 
Le collectif des jeunes du parc de Belleville continue de se mobiliser malgré la pluie incessante, ce lundi 21 juillet, devant l’Hotel de Ville.
© Élise Leclercq

Une quinzaine de membres du collectif des jeunes du parc de Belleville s’est rendue au rendez-vous fixé avec l’adjointe de la Mairie de Paris, Léa Filoche, ce lundi 21 juillet. En parallèle, des soutiens et des jeunes se sont rassemblés sur le parvis de l’Hôtel de ville, sous la pluie battante. Émilie, soutien du collectif, rappelle au micro les raisons de leur présence : « Nous sommes là aujourd’hui pour dire à la Mairie que ce n’est pas normal que des centaines de jeunes dorment dehors, que ce soit sous 40 degrés ou sous l’orage, comme  aujourd’hui. »

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Depuis leur expulsion de la Gaîté Lyrique en mars dernier, aucune solution n’a été trouvée pour ces 200 mineurs isolés. Il y a un mois et demi pourtant, un rendez-vous similaire avait eu lieu devant l’Académie du Climat, à Paris. Après plus de deux heures de discussions, les relations avec les élu·es semblaient apaisées. Abdouraman, délégué du collectif des jeunes du parc de Belleville, soulignait une première victoire, celle d’être écouté : « Il y a aujourd’hui une nouvelle base de confiance, nous sommes sur la bonne voie. »

Après avoir accepté d’héberger quelques jeunes, la Mairie nous a demandé des attestations de vulnérabilité.

Émilie

Du côté de la Ville, le sentiment était partagé. « Cette rencontre a permis de se dire les choses, il fallait qu’on trouve un espace de dialogue », soutenait Léa Filoche à Politis en juin. Une proposition d’hébergement avait même été proposée pour les jeunes présents ce jour-là. Un accord soumis à une condition : que le collectif ne communique pas sur le sujet. Les jeunes mineurs avaient alors accepté, fournissant une liste de noms et prénoms des membres qui souhaitaient être accueillis dans un gymnase.

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Une confiance brisée

C’est alors que tout se gâte. Émilie rappelle le déroulement au micro : « Après avoir accepté d’héberger quelques jeunes, la Mairie nous a demandé des attestations de vulnérabilité, comme si ça ne suffisait pas de dormir dehors. La Mairie n’a pas respecté ses engagements. » Pour les jeunes, cette demande a rompu la confiance nouvellement acquise.

Amadou était présent il y a un mois. Son prénom était sur la liste. Depuis, le jeune homme dort toujours sous le pont Marie, près de l’Hôtel-de-Ville, comme plus de 250 autres jeunes. « Je suis déjà vulnérable, on l’est tous. Avant, j’étais en bonne santé, désormais ce n’est plus le cas, j’ai mal partout », explique-t-il en montrant ses côtes et son dos. 

Si on avait des politiques d’accueil dignes, on en serait pas là.

L. Filoche

Léa Filoche l’assume, la Ville ne voulait pas faire de choix sans s’appuyer sur des critères sociaux. Selon elle, la liste qu’elle et son équipe ont reçue contenait une soixantaine de noms, or seulement « 30 places sont actuellement disponibles », affirme-t-elle à Politis. « C’est hyper dur de faire ce choix, j’en suis consciente ». « Il faudrait même des centaines de places en soi (…) mais surtout régulariser les jeunes. Si on avait des politiques d’accueil dignes, on en serait pas là. »

« C’est à l’État de vous accueillir, crie Émilie dans le porte-voix, mais l’État est raciste et la Mairie ne respecte pas ses engagements. Vous vous sentez accueillis, vous ? ». « Non ! », répond le groupe, en chœur. La pluie n’affaiblit pas la mobilisation. Quelques syndicats comme Sud sont présents ainsi que Laurent Saurel, élu du 20e arrondissement de la capitale. Éternel soutien, il avait expliqué à Politis, en juin, son inquiétude à propos de « la chasse à l’homme » désormais organisée par le gouvernement, une « chasse à l’enfant, dans ce cas ».

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« Un tri » inacceptable

Car le collectif connaît aussi des revers administratifs. Après l’expulsion de la Gaité Lyrique en mars, 25 obligations de quitter le territoire français (OQTF) avaient été ordonnées à des mineurs du collectif. Si quelques-unes ont depuis été annulées, trois ont été maintenues. Un échec pour Félix, qui craint des procédures « au cas par cas ». Ce soutien du collectif y voit un « précédent inquiétant » en conditionnant les OQTF aux décisions du juge pour enfants.

On ne va pas encore une fois attendre que la police vienne, nous embarque et nous mette des OQTF.

Blaye

Mais aujourd’hui, la priorité est celle de l’hébergement. Une vingtaine de représentant·es du collectif ont occupé l’Académie du Climat durant une bonne partie de ce lundi après-midi refusant la proposition de la Mairie de n’héberger que 30 jeunes sur les 70 présents.  « Un tri » inacceptable pour Mohammed*, délégué du collectif. « Ils nous avaient dit de ne pas communiquer la dernière fois, ce qu’on a fait. Ils ne voulaient pas qu’on sache qu’on les avait rencontrés. Mais eux se sont permis de remettre la liste de noms qu’on avait fournie à des associations pour savoir si ces jeunes étaient vulnérables ou pas. »

*

Le prénom a été modifié.

Pour les mineurs isolés concernés, il est alors impossible de choisir qui pourrait bénéficier de ces places d’hébergement. « On leur a dit que s’ils voulaient faire un tri, ils devaient venir devant les jeunes et leur expliquer que telle personne pouvait dormir dans un gymnase et telle autre, non », dénonce Mohammed. L’objectif du collectif est clair : obtenir des places d’hébergement pour tous les jeunes présents.

Mais la violence de l’expulsion de la Gaîté Lyrique est encore dans toutes les têtes. « On ne va pas encore une fois attendre que la police vienne, nous embarque et nous mette des OQTF », explique Blaye, délégué lui aussi. « On est livrés à nous-même. » Par peur de la répression et du manque de soutien, les jeunes ont finalement quitté les lieux en fin de journée. Pour retourner, encore, à la rue.

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