« Miroirs n°3 », un possible retour

Christian Petzold signe une œuvre troublante entre présence et absence.

Christophe Kantcheff  • 26 août 2025 abonné·es
« Miroirs n°3 », un possible retour
Le film ne cesse de jouer sur les apparences d’une substitution, d’un remplacement, qui pourrait tout aussi bien être une apparition ou un fantôme.
© Les films du losange

Miroirs n° 3 / Christian Petzold / 1 h 26 / Rétrospective Christian Petzold à la Cinémathèque, à Paris, du 26 août au 4 septembre.

Traversant une crise ressemblant à une dépression, Laura (Paula Beer), une jeune pianiste, est victime d’un accident de la route avec son compagnon, qui meurt sur le coup. Habitant une maison voisine, Betty (Barbara Auer), une femme d’âge mûr, recueille Laura, miraculeusement indemne, qui désire rester chez elle plutôt que de se rendre à l’hôpital.

Auparavant, le regard des deux femmes s’était déjà croisé, l’une et l’autre semblant confusément se reconnaître. Betty s’avère attentionnée comme une mère envers Laura, et Laura s’attache rapidement à cette femme et à sa maison. Qui sont-elles l’une pour l’autre ?

Ainsi débute Miroirs n° 3, avec un parfum d’énigme dont l’excellent réalisateur allemand Christian Petzold (Ondine, Le Ciel rouge) est friand. Pourtant, le cinéaste désépaissit rapidement le mystère qui entoure Betty et « ses hommes », son mari (Matthias Brandt) et son fils (Enno Trebs), qui n’habitent pas avec elle mais non loin, dans le garage qu’ils tiennent, et qu’elle invite à rencontrer Laura. Ces trois-là vivent avec une disparue, leur fille et sœur morte, qui jouait aussi du piano.

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Le film ne cesse de jouer sur les apparences d’une substitution, d’un remplacement, qui pourrait tout aussi bien être une apparition ou un fantôme – les thèmes romantiques sont souvent présents chez Petzold. Laura ne se prénomme pas non plus comme l’héroïne de Preminger par hasard.

Dès lors, le scénario ne devenant plus prépondérant, chaque scène prend en elle-même une intensité particulière, que ce soient les allers et retours à vélo des protagonistes entre la maison et le garage, les silences interdits puis attendris des deux hommes, le rapport matériel de Laura avec les aliments ou la terre de jardinage, ou les veilles nocturnes de Betty devant chez elle.

Impressions

Depuis qu’il est moins politique, l’art de Christian Petzold est avant tout un cinéma d’impressions et de sensations, à l’image de la pièce de Ravel intitulée Miroirs n° 3 (ou Une barque sur l’océan), que Laura interprète devant ses hôtes – un titre qui en outre résonne avec la présence de Laura et l’absence de la jeune femme disparue.

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Le onzième long métrage du cinéaste n’a pas la flamboyance de certains de ses films précédents, comme Ondine (2020) notamment. Mais sa rigueur n’a rien d’austère. Au contraire, en se limitant à quelques lieux – la maison, le garage, des chemins sillonnant la campagne –, Christian Petzold déploie une mise en scène fluide, donnant du relief à chacun de ses personnages, féconde en troubles et en songes.

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Cinéma
Temps de lecture : 3 minutes