« Bonjour la langue » : dernier coup de théâtre

Avec son film qui sort de manière posthume, Paul Vecchiali va avec élégance à l’essence du geste singulier dont il a marqué le paysage cinématographique français pendant plus de soixante ans.

Anaïs Heluin  • 27 août 2025 abonné·es
« Bonjour la langue » : dernier coup de théâtre
Le réalisateur exprime avec une grande délicatesse la nécessité de revenir à ce qu’il considère comme primordial à l’écran comme dans l’existence.
© La Raverse Films

Bonjour la langue / Paul Vecchiali / 1 h 20.

S’il n’a durant sa longue carrière cinématographique fait que d’assez rares apparitions dans ses films, Paul Vecchiali se met en scène dans son ultime œuvre, Bonjour la langue. Le visage couvert d’un masque chirurgical, assis dans un fauteuil médicalisé dans la cour de la villa Mayeurling, sa demeure au Plan-de-la-Tour dont il a fait le décor de plusieurs de sa cinquantaine de longs métrages, le cinéaste expose d’emblée la valeur qu’a pour lui sa présence à l’écran : celle d’un adieu.

Âgé de 92 ans lors du tournage, qui s’est tenu sur une seule journée, le 4 octobre 2022 – il meurt peu après, en janvier 2023 –, il sait qu’il n’y aura plus de cinéma pour lui après et fait de cette certitude le cœur du film.

Paul Vecchiali ne renonce pas pour autant à sa théâtralité, l’une des marques de son esthétique si personnelle qu’elle est toujours restée à la marge des grands courants de son époque, à commencer par la Nouvelle Vague. Attaché au cinéma des années 1930, dont il s’est toujours volontiers dit l’héritier, il n’est pourtant pas resté indifférent au mouvement qui bouleversait alors les codes de son art.

Pour preuve le titre Bonjour la langue, clin d’œil évident et revendiqué à Adieu au langage (2014), l’avant-dernier film de Jean-Luc Godard. En invitant pour son chant du cygne l’un de ses comédiens fétiches, Pascal Cervo, à se livrer avec lui à une improvisation filmée, Vecchiali se livre à une forme proche du théâtre filmé où il va à l’essence de son geste, où la fiction se mêle intimement au réel.

Urgence

Dans ce tête-à-tête filmé par deux caméras entre le réalisateur et l’acteur, qui prennent la suite du Cancre (2016), où ils incarnaient un père et son fils, nous sommes a priori loin de Godard. À sa manière pourtant, on ne peut plus minimaliste en matière d’image – tout n’est qu’un simple champ-contrechamp – autant que de scénario – un fils revient voir son père après six ans d’absence –, le dernier Vecchiali est habité par une urgence proche de celle d’Adieu au langage.

Par-delà la mort, le réalisateur de Femmes Femmes (1974) exprime avec une grande délicatesse la nécessité de revenir à ce qu’il considère comme primordial à l’écran comme dans l’existence. L’amour et les mots pour le dire. 

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Cinéma
Temps de lecture : 2 minutes