Une couverture noire pour briser le silence
Face à l’hécatombe de journalistes à Gaza et au silence qui l’entoure, des dizaines de rédactions à travers le monde – de Mediapart à Al Jazeera en passant par The Independent et Politis – s’unissent pour alerter : le droit d’informer est attaqué. En publiant une couverture noire, Politis et les partenaires de l’initiative engagée par Reporters sans frontières (RSF) et Avaaz, rappellent que protéger la presse c’est défendre la vérité et la mémoire collective.

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Cette semaine, vous découvrez Politis sous une forme inédite. Une couverture entièrement noire, sans image, sans titre – ou presque. Un seul message y figure, en lettres blanches : « Au rythme où les journalistes sont tués à Gaza par l’armée israélienne, il n’y aura bientôt plus personne pour vous informer. » Ce n’est ni une formule. Ni une exagération. C’est un constat. Brutal. Insoutenable. Et pourtant, très largement passé sous silence.
Plus de 210 journalistes tués à Gaza : RSF et Avaaz appellent les médias du monde entier à une mobilisation médiatique d’ampleur le 1er septembre
Déjà plus de 150 médias d’une cinquantaine de pays se préparent à une mobilisation médiatique d’envergure le 1er septembre, coordonnée par Reporters sans frontières (RSF) et le mouvement citoyen mondial Avaaz. Ces organisations et rédactions dénoncent les crimes perpétrés par l’armée israélienne contre les reporters palestiniens en toute impunité, appellent à leur protection et évacuation d’urgence, et exigent un accès indépendant de la presse internationale dans l’enclave palestinienne.
Le rendez-vous est fixé au lundi 1er septembre, quelques jours après les dernières frappes meurtrières de l’armée israélienne contre des journalistes dans la bande de Gaza. Le 25 août, l’une d’elles a ciblé un immeuble du complexe médical al-Nasser, au centre de Gaza, connu pour être aussi un lieu de travail des reporters, et a ainsi tué cinq journalistes, collaborateurs et collaboratrices de médias locaux et internationaux tels que les agences de presse Reuters et Associated Press. Deux semaines plus tôt, dans la nuit du 10 au 11 août, une frappe israélienne avait déjà tué six reporters, dont le correspondant de la chaîne qatarienne Al Jazeera Anas al-Sharif, qui était visé.
Selon les données de RSF, plus de 210 journalistes ont été tués par l’armée israélienne dans la bande de Gaza en près de 23 mois d’opération militaire d’Israël dans l’enclave palestinienne. Parmi eux, au moins 56 ont été ciblés par l’armée israélienne ou tués dans l’exercice de leur travail. Ce massacre continu des journalistes palestiniens nécessite une mobilisation d’envergure, visible du grand public. À l’occasion d’une opération inédite prévue le 1er septembre, RSF renouvelle sa demande, signée par plus de 200 médias et organisations en juin, de protéger d’urgence les professionnels des médias palestiniens dans la bande de Gaza. L’organisation plaide également pour un accès indépendant de la presse internationale dans ce territoire, qui à ce jour est refusé par les autorités israéliennes.
“L’armée israélienne a tué en deux frappes cinq journalistes lundi 25 août. Deux semaines plus tôt, elle en tuait six en une frappe. Plus de 210 journalistes palestiniens ont été tués par l’armée israélienne dans la bande de Gaza depuis le 7 octobre 2023. Nous refusons cette norme funeste qui impose au monde entier chaque semaine de nouveaux crimes impunis contre les journalistes palestiniens dans la bande de Gaza. Nous le disons haut et fort : au rythme où les journalistes sont tués à Gaza par l’armée israélienne, il n’y aura bientôt plus personne pour vous informer. Plus de 150 médias dans le monde se sont réunis, à l’appel de RSF et Avaaz, et se mobilisent pour une opération d’envergure lundi 1er septembre. Rejoignez cette campagne pour faire entendre aux dirigeants de la planète qu’ils ont le devoir de stopper l’armée israélienne dans ses crimes contre les journalistes, de reprendre les évacuations de journalistes qui souhaitent quitter Gaza et d’obtenir pour la presse internationale un accès indépendant dans l’enclave palestinienne. »
Thibaut Bruttin, directeur général de RSF
Plus de 150 médias, répartis dans une cinquantaine de pays dans le monde, se préparent à rejoindre la mobilisation du lundi 1er septembre. Parmi eux, de nombreux quotidiens et sites d’information : Mediapart (France), Al Jazeera (Qatar), The Independent (Royaume-Uni), +972 Magazine (Israël/Palestine), Local Call (Israël/Palestine), InfoLibre (Espagne), Forbidden Stories (France), Frankfurter Rundschau (Allemagne), Der Freitag (Allemagne), RTVE (Espagne), L’Humanité (France), The New Arab (Royaume-Uni), Daraj (Liban), New Bloom (Taïwan), Photon Media (Hong Kong), La Voix du Centre (Cameroun), Guinée Matin (Guinée), The Point (Gambie), L’Orient Le Jour (Liban), Media Today (Corée du Sud), N1 (Serbie), KOHA (Kosovo), Public Interest Journalism Lab (Ukraine), Il Dubbio (Italie), Intercept Brasil (Brésil), Agência Pública (Brésil), Le Soir (Belgique), La Libre (Belgique), Le Desk (Maroc), Semanario Brecha (Uruguay)… et beaucoup d’autres.
Pour rejoindre cette opération, les médias peuvent écrire à :
RSF : mroux@rsf.org et moyen-orient@rsf.org
Avaaz : andrew.legon@avaaz.org et media@avaaz.org
Pour mettre fin à l’impunité qui permet à l’armée israélienne de continuer à perpétrer ces crimes, RSF a déjà déposé quatre plaintes auprès de la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre commis par l’armée israélienne contre les journalistes dans la bande de Gaza au cours des 22 derniers mois. RSF soutient également les journalistes palestiniens sur le terrain, en particulier à Gaza, à travers des partenariats avec des organisations locales comme Arab Reporters for Investigative Journalism (ARIJ). Ce soutien permet de fournir un appui matériel, psychologique et professionnel aux journalistes palestiniens.
“Avaaz signifie ‘voix’ dans plusieurs langues et aujourd’hui, il revient aux médias du monde entier d’utiliser la leur. Au moins 210 journalistes ont été tués à Gaza par l’armée israélienne, et l’accès au territoire reste interdit pour la presse étrangère. C’est une attaque directe contre la liberté de la presse, contre la vérité elle-même. Aujourd’hui, les médias ont l’opportunité d’envoyer un message clair et sans équivoque : l’armée israélienne doit cesser de tuer des journalistes, la presse internationale doit pouvoir entrer dans Gaza, et les médias doivent pouvoir faire leur travail.”
Les journalistes palestiniens sont abandonnés, sans protection, sans statut, sans tribune.
Depuis le début de la guerre menée par Israël contre Gaza, plus de 200 journalistes ont été tués, selon les chiffres les plus prudents compilés par le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), Reporters sans frontières et plusieurs ONG. Ils sont en majorité Palestiniens, exerçant dans l’une des zones les plus dangereuses du monde pour le métier. Ils étaient reporters, photographes, fixeurs, caméramans. Ils informaient, malgré les coupures d’électricité, malgré la faim, malgré les bombardements. Ils étaient les yeux et les mots du monde extérieur. Et pour cela, ils ont été pris pour cible.
Certains ont été tués chez eux, avec leurs familles. D’autres, alors qu’ils portaient un gilet presse. À ce jour, selon les ONG spécialisées, il s’agit de l’épisode de guerre le plus meurtrier pour la presse de mémoire récente. Et pourtant, ce drame n’ébranle pas. Il n’émeut que peu. Les grands sommets internationaux n’en parlent pas. Les chancelleries détournent les yeux. Et trop souvent, les médias occidentaux minimisent, relativisent, voire passent sous silence cette politique de mort ciblée contre celles et ceux qui documentent les crimes.
Le droit d’informer est fondamental
À Gaza, il n’y a ni corridors sécurisés, ni possibilités réelles d’évacuation pour les journalistes. Le blocus imposé par Israël, militaire et médiatique, empêche les voix de sortir. Les journalistes palestiniens sont abandonnés, sans protection, sans statut, sans tribune. Et les rares journalistes internationaux présents sur le terrain se battent, eux aussi, pour pouvoir accéder, filmer, raconter. Ce silence doit cesser.
C’est pourquoi Politis, aux côtés de dizaines de rédactions indépendantes et de médias internationaux, a choisi de participer à cette initiative collective, coordonnée à l’échelle mondiale. Une prise de parole collective. Un acte de presse. Une alerte. Aujourd’hui, de Mediapart à Disclose, d’Al Jazeera à The Independent, de +972 Magazine et Local Call à InfoLibre, de la Frankfurter Rundschau à RTVE, de L’Humanité à Der Freitag, de The New Arab à Daraj, de New Bloom à Le Desk, de Photon Media à Guinée Matin, de The Point à L’Orient-Le Jour, et encore tant d’autres – en Europe, au Moyen-Orient, en Afrique, en Asie – nous affirmons ensemble : le droit d’informer est un droit fondamental.
Ce n’est pas une page noire. C’est une alarme. Une urgence.
Le protéger, c’est défendre la vérité. Quand une armée – quelle qu’elle soit – tue les journalistes et empêche l’accès à la presse dans une zone de guerre, elle crée un trou noir dans la mémoire collective. Et à Politis, nous sommes fiers de porter cette mobilisation, aux côtés de celles et ceux qui, parfois au péril de leur vie, refusent de céder à l’effacement, à la propagande, au silence des bombes. Ce n’est pas une page noire. C’est une alarme. Une urgence. Une manière de dire, une dernière fois peut-être : tant qu’il restera des journalistes debout, il restera un espoir. Mais pour combien de temps encore ?
L’actualité vous fait parfois enrager ? Nous aussi. Ce parti pris de la rédaction délaisse la neutralité journalistique pour le vitriol. Et parfois pour l’éloge et l’espoir. C’est juste plus rare.
Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.
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