Le cyberharcèlement frappe de plus en plus tôt et surtout les femmes
Insultes, menaces, humiliations… Les études révèlent l’ampleur du cyberharcèlement en France qui débute dès l’école primaire et dont les conséquences psychologiques peuvent être dramatiques, allant jusqu’au suicide.

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Typhaine D : quand la justice décortique la violence masculine en ligne « Pour lutter contre les cyberviolences, il faut combattre le sexisme hors-ligne »« J’ai été victime de cyberharcèlement à l’âge de 12 ans sur une période de 8 mois », confie une jeune femme auprès de l’association e-Enfance. « Au début, c’était des insultes comme « chaudière », « pétasse », « salope », « pute » […] Cela a duré 8 mois jusqu’au jour ou L.(son amoureux de l’époque) s’est suicidé. »
Une étude d’e-Enfance et de la Caisse d’épargne révèle une glaçante réalité : le phénomène du cyberharcèlement commence tôt. Alors que 86 % des 8 à 18 ans sont inscrits sur les réseaux sociaux, 20 % des 6-11 ans ont été confrontés au moins une fois à du cyberharcèlement. Alors qu’en France, les réseaux sociaux sont interdits aux moins de 13 ans, ils sont pourtant 67 % à y être présents chez les 6-11 ans.
Les insultes, moqueries et humiliations se poursuivent désormais au-delà de la cour de récréation, à travers des messages ou des groupes en ligne dont les parents n’ont souvent pas connaissance. « 71 % d’entre eux reconnaissent ne pas avoir une vision claire des agissements de leur enfant en ligne », rappelle l’association.
Chez les 18-25 ans, la situation s’aggrave. Plus d’un jeune adulte sur deux – 60 % –, a déjà été victime de cyberharcèlement, selon une autre étude de l’association. Ces cyberviolences s’accompagnent souvent de troubles psychologiques : anxiété, perte de sommeil, dépression, comportements addictifs. Pire encore, près de la moitié des victimes reconnaissent avoir déjà pensé au suicide.
« Ce type de situation peut avoir de lourdes conséquences sur la santé physique et mentale des victimes : 69 % des jeunes adultes victimes de harcèlement déclarent avoir été sujets à des insomnies, des troubles de l’appétit ou du désespoir, 51 % ont failli tomber dans des comportements d’addiction (alcool ou drogue) et 49 % reconnaissent avoir pensé au suicide. »
Continuum de violences
Les femmes apparaissent comme les premières cibles de ces violences numériques. Une enquête Ipsos-BVA réalisée pour le collectif Féministes contre le cyberharcèlement rappelle que 84 % des victimes sont des femmes. Dans le même temps, 74 % des agresseurs sont des hommes.
Qu’il s’agisse de commentaires sexistes, de menaces de viol, de diffusion de photos intimes sans consentement ou de campagnes coordonnées, ces « cyberviolences s’enchevêtrent avec les violences subies dans l’espace tangible et s’inscrivent dans un continuum de violences qui visent le plus souvent les femmes, les filles et les personnes les plus discriminées ». L’association rappelle les graves conséquences que peuvent entraîner ces violences alors que « 14 % des victimes déclarent avoir tenté de se suicider ».
Les pouvoirs publics commencent à prendre la mesure de l’urgence. En France, le cyberharcèlement est désormais reconnu comme un délit. Lorsque l’auteur est majeur et que la victime a plus de quinze ans, il risque jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende. Si la victime a moins de quinze ans, alors la peine maximale est portée à trois ans de prison et 45 000 € d’amende. Le gouvernement rappelle aussi que « les hébergeurs de sites internet ou de plateformes en ligne qui ne répondent pas à leurs obligations peuvent engager leur responsabilité pénale ».
Lorsque l’auteur est mineur de plus de 13 ans et que la victime a plus de 15 ans, alors la peine maximale est portée à 1 an de prison et 7 500 € d’amende. Si la victime a moins de 15 ans, elle peut atteindre 18 mois et 7 500 € d’amende.
Le numéro 30 18, « numéro national contre toutes les formes de harcèlement, y compris cyberharcèlement, concernant les jeunes, enfants et adolescents », permet de signaler les cas et d’obtenir un soutien immédiat. Ouvert aux élèves, parents et professionnels 7 jours sur 7, de 9 heures à 23 heures, il est gratuit, anonyme et confidentiel.
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