Le plan Trump pour Gaza : une monumentale arnaque

Le projet américain risque surtout de permettre à Netanyahou de gagner du temps et de « finir le travail » dans l’enclave, au mépris de dizaines de milliers de vies humaines.

Denis Sieffert  • 30 septembre 2025
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Le plan Trump pour Gaza : une monumentale arnaque
Donald Trump lors de conférence de presse conjointe avec le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, à la Maison Blanche le 29 septembre 2025.
© Jim WATSON / AFP

On pourrait presque s’en tenir à la psychologie des acteurs : comment croire un plan de paix promu par Trump et Netanyahou ? L’un qui ne rêve que de mettre la main sur Gaza pour son grand projet immobilier, l’autre, mû par une idéologie de toute une vie qui suppose l’expulsion des Palestiniens ? Sans compter que ces deux grands voyous de la politique internationale n’ont rien trouvé de mieux que de recruter pour la réalisation de leur plan Tony Blair, connu pour avoir été le complice des Américains dans la désastreuse invasion de l’Irak en 2003, puis un « envoyé spécial » du Quartet, entièrement soumis à Israël, en 2007. Le casting est complet pour une de ces arnaques dont le conflit israélo-palestinien est jalonné.

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Mais jetons tout de même un œil sur ce fameux plan « en 21 points » sorti du chapeau du président américain le 29 septembre. Cessez-le-feu immédiat, libération de tous les otages, reddition et désarmement du Hamas : les premiers points ont de quoi séduire. Au moins parce qu’ils marqueraient la fin du génocide en cours. Mais le marché de dupes apparaît très vite quand il est proposé au Hamas, en échange de sa reddition et de la libération immédiate de tous les otages, un retrait « par étapes » de l’armée israélienne. D’un côté, un calendrier à application immédiate ; de l’autre, des étapes dont on ne connaît ni la première échéance ni la durée. Et on sait Netanyahou expert dans l’art de multiplier les incidents et les prétextes pour diluer ses obligations dans le temps.

‘Finir le travail’ : autrement dit, anéantir non seulement l’organisation islamiste mais la population de Gaza.

Mais l’important est dans les phrases prononcées par Netanyahou et par Trump en guise de conclusion. Si le Hamas n’accepte pas le « plan de paix américain », le premier ministre israélien promet de « finir le travail ». Autrement dit, d’anéantir non seulement l’organisation islamiste mais la population de Gaza. Et, pour ça, renchérit Trump, Israël aura tout le soutien des États-Unis. Voilà en vérité l’objectif du plan. Autant dire que les deux compères comptent dur comme fer sur le refus du Hamas, qui est face à cette alternative : mourir politiquement et militairement, ou périr physiquement. Si le Hamas fait le choix de mourir les armes à la main, sacrifiant la population palestinienne à son idéologie, tout le reste du plan est à peu près caduc. Ni cessez-le-feu, ni libération des otages, et un déluge de bombes.

Le verdict des prochains jours est évidemment loin d’être indifférent. Il en va de quelques dizaines ou centaines de milliers de morts supplémentaires. Mais, quoi qu’il en soit, tout converge vers une seule issue, qui consiste en une mise sous tutelle du territoire par Donald Trump et Tony Blair, à l’exclusion de l’Autorité palestinienne. Quant à l’opposition de Trump à l’annexion de la Cisjordanie, concession aux pays du Golfe qui en ont fait une « ligne rouge », elle est une monumentale hypocrisie. L’engagement aurait du sens s’il s’accompagnait d’un arrêt de la colonisation. Or, non seulement ce n’est pas le cas, mais le gouvernement israélien vient d’annoncer de nouvelles colonies dans la zone « E1 », qui brise à hauteur de Jérusalem toute continuité territoriale. C’était, on s’en souvient, la réponse de Netanyahou à la reconnaissance de l’État de Palestine par la France. L’annexion de fait est donc en cours.

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Reste à savoir si les fascistes du gouvernement israélien sont assez malins pour comprendre que dans tous les cas de figure ils gagnent, ou s’ils sont fanatiques au point de refuser une concession sémantique ou oubliant pour quelque temps le mot « annexion ». Seules une reddition sans condition du Hamas ou une crise aiguë de fanatisme des ministres d’extrême droite pourraient mettre en difficulté Netanyahou, au moins provisoirement. Toute l’habileté de ce plan américain réside dans l’accueil auquel il contraint les Européens et les Arabes. Impossible pour eux de s’opposer à un plan « de paix » qui prévoit un cessez-le-feu et la libération des otages.

Le plan Trump aura permis à Netanyahou de gagner du temps et à tous ceux qui veulent une solution politique, d’en perdre.

Un plan qui remet toute la pression sur le Hamas et soulage ainsi Netanyahou, qui était devenu aux yeux du monde, y compris des Israéliens, le premier responsable du massacre et du sacrifice des otages. Arabes et Européens pourraient certes exiger une petite place dans la gestion future, et supposément provisoire, de Gaza. Mais leur tour reviendra, hélas, quand le génocide reprendra sans d’ailleurs s’être jamais arrêté. On en reviendra alors à la question des sanctions contre Israël. Le plan Trump dira sa vérité. Il aura permis à Netanyahou de gagner du temps et à tous ceux qui veulent une solution politique d’en perdre.

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