Budget record pour l’ICE : Trump déploie sa machine anti-immigration

Avec plus de 120 milliards de dollars prévus d’ici à 2029, l’agence de l’immigration américaine connaît une expansion sans précédent. Centres de détention, recrutements massifs et expulsions à la chaîne deviennent les piliers du programme Trump.

Maxime Sirvins  • 20 octobre 2025
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Budget record pour l’ICE : Trump déploie sa machine anti-immigration
© Maxime Sirvins

Samedi 18 octobre 2025, des défilés « No Kings » contre Donald Trump ont rassemblé des foules immenses dans des milliers de villes américaines. Depuis maintenant des mois, des images montrent quotidiennement des raids massifs dans plusieurs grandes métropoles américaines menés par l’ICE (United States Immigration and Customs Enforcement), l’agence fédérale de contrôle de l’immigration. Ces opérations policières massives, menées avec parfois le soutien de véhicules blindés, provoquent des arrestations brutales et la séparation de familles.

En réaction, des milliers de manifestants descendent dans les rues, bloquent des avenues et affrontent les forces de l’ordre pour défendre leurs communautés. Elles n’hésitent pas à utiliser des matraques, des gaz lacrymogènes et à tirer des balles en caoutchouc. En juillet 2025, Donald Trump invoque un texte lui permettant de mobiliser directement la Garde nationale à des fins de maintien de l’ordre, en contournant les gouverneurs des États.

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Officiellement, cette décision vise à « sécuriser les infrastructures fédérales », mais dans les faits, des unités armées patrouillent dans les rues des grandes villes. À Portland ou Chicago, fiefs des contestations américaines, des rassemblements quotidiens font face aux forces de l’ICE.

400 000 personnes expulsées cette année

En 2024, l’ICE a expulsé 271 484 personnes, plus haut niveau depuis des années, selon son rapport annuel. Sa communication « First 100 Days » (printemps 2025) revendique 66 463 arrestations et 65 682 expulsions sur le début du mandat de Trump. Depuis la nouvelle investiture de Trump, les chiffres de l’ICE ont explosé. En septembre 2024, 13 561 personnes étaient détenues contre 46 015 au 21 septembre 2025, d’après l’organisation TRAC. C’est plus du triple en seulement un an.

Dernièrement, le département de la Sécurité intérieure a annoncé que 400 000 personnes avaient été expulsées « en moins de 250 jours » et que le 600 000 allaient l’être en tout à la fin de l’année en battant ainsi « des records historiques ».

L’enveloppe accordée à l’agence de l’ICE révèle l’ambition de Trump. Pour l’année 2025, son budget est de 9,7 milliards de dollars, avec plus de 20 000 postes. En 2026, le gouvernement le rehausse à 11,3 milliards. En plus, l’adoption en juillet par le Congrès du « One Big Beautiful Bill Act » a marqué le début d’une nouvelle ère de financements massifs en faveur du programme anti-immigration du président Donald Trump.

En plus des 46,5 milliards de dollars alloués à la construction du mur à la frontière, la loi prévoit 75 milliards de dollars pour l’ICE pour la période 2026-2029, soit le double de son budget sous Joe Biden. À titre de comparaison, cette somme est supérieure au budget de la défense de la France pour l’année 2024-2025.

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Sur ce total, 45 milliards seront investis dans la création de 50 nouveaux centres de détention, lesquels devraient voir le jour d’ici à la fin de l’année. Certains prendront la forme de camps comme le célèbre centre de détention Alligator Alcatraz, le premier centre géré par l’État pour les détenus fédéraux de l’immigration. Cela représente une augmentation annuelle de 265 % du budget actuel de l’ICE consacré à la détention, pour atteindre plus de 116 000 places.

Embauches massives

Par ailleurs, près de 30 milliards seront consacrés aux opérations de répression et d’expulsion, permettant à l’agence de lancer une campagne de recrutement sans précédent. L’agence revendiquait ainsi à l’été 2025 plus de 1 000 offres d’embauche dans le cadre d’une expansion accélérée.

Le plan One Big Beautiful Bill Act de Trump permettrait de financer 10 000 agents supplémentaires d’ici à 2029, pour passer à près de 30 000 membres. L’ICE assume un discours offensif.

Sa page « Rejoindre l’ICE » met en avant un bonus d’embauche jusqu’à 50 000 dollars, un remboursement d’emprunts étudiants jusqu’à 60 000 dollars et des primes pouvant porter la rémunération au-delà du salaire de base. Le vocabulaire est sans ambiguïté : « L’Amérique a été envahie par des criminels et des prédateurs. Nous avons besoin de vous pour les déloger. »

Les annonces officielles pour les postes affichent le même ton. « Êtes-vous prêt à défendre la patrie ? Lancez-vous dans une carrière dynamique et enrichissante en tant qu’agent d’expulsion. » Elles soulignent la mission de « défense du pays » et mettent en avant la possibilité d’entrer sans diplôme universitaire. Les agents débutent sur la grille fédérale dédiée aux forces de l’ordre. Un débutant touchera un salaire annuel d’environ 48 000 dollars pouvant monter jusqu’à près de 90 000 dollars.

En plus de recruter, l’ICE arme de plus en plus ses agents. D’après Popular Information qui cite les données fédérales, depuis janvier 2025 l’agence a augmenté de 700 % ses dépenses en armes et munitions, atteignant plus de 71 millions de dollars. Avec ces financements supplémentaires, l’administration Trump souhaite donc que l’ICE gonfle ses rangs de 50 %, augmente sa capacité de détention de 100 % et les expulsions à un million par an. L’argent coule à flots dans l’industrie trumpienne de l’expulsion forcée.

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