Cinemed : l’axe Montpellier-Damas
Pour sa 47e édition, le festival consacre une programmation et une journée de débat au cinéma syrien.
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© GEORGES FILMS
Cinemed / du 17 au 25 octobre / Montpellier.
Existe-t-il encore un cinéma syrien ? Même si, çà et là, des films syriens sortent sur les écrans – quelques longs métrages de fiction, toujours en coproduction – ou sont présentés dans des festivals, la question se pose dans un pays qui a été en proie à une terrible guerre menée par le régime dictatorial de Bachar Al-Assad contre son peuple à la suite du soulèvement pacifique de 2011. Le festival international du cinéma méditerranéen, ou Cinemed, a décidé de répondre à cette question lors de sa quarante-septième édition, qui s’ouvre le 17 octobre.
Chaque année, à côté de nombreuses programmations, le festival braque ses projecteurs sur la cinématographie d’un pays. Après avoir consacré en 2024 un focus sur le Maroc et ses jeunes cinéastes aux prises avec le pouvoir (une bonne intuition au vu des événements actuels), le Cinemed se tourne cette année vers les cinéastes syriens.
« Nous avons pris cette décision au moment de la chute du régime d’Assad, en décembre dernier, explique Christophe Leparc, directeur du Cinemed. Au début, pour établir notre programmation, nous pensions remonter loin dans le temps. Or, nous nous sommes aperçu que beaucoup de films intéressants, dans des genres différents, longs et courts métrages, documentaires et films d’animation, classiques ou expérimentaux, avaient été réalisés durant les cinq dernières années par de jeunes réalisateurs et réalisatrices. D’où la thématique que nous avons posée : “Le jeune cinéma syrien : état des lieux d’une reconstruction”. »
Dispersion
Afin d’être au plus près de la création cinématographique en train de se faire, le Cinemed a fait appel au collectif Al-Ayoun (« les yeux », en arabe), animé par deux jeunes réalisatrices syriennes installées en France, Diala Al Hindaoui et Sara Kontar. « Al-Ayoun est une plateforme créative destinée à mettre en relation les artistes syriens avec des projets divers : expositions, programmations de films, livres de photos », expliquent-elles.
Outre les films projetés, le Cinemed propose également le 22 octobre une journée de débats (en association avec Politis) autour de ce cinéma en reconstruction, où seront abordés les problèmes de réalisation, de production et de diffusion. Diala Al Hindaoui et Sara Kontar animeront une table ronde orientée sur les questions artistiques.
Aujourd’hui, les cinéastes syriens sont dispersés de par le monde et isolés. Les cinéastes ignorent même ce que font les uns et les autres.
« Sous le régime des Assad, il n’y avait pas de liberté de création, disent-elles. Pendant la révolution, la caméra est devenue une arme. Puis, il y a eu l’exil pour nombre d’entre nous. Le premier but de notre table ronde est de nous réunir et d’échanger entre nous. Aujourd’hui, les cinéastes syriens sont dispersés de par le monde et isolés. Les cinéastes ignorent même ce que font les uns et les autres. Les réalités que vivent ceux qui sont exilés en Turquie, au Liban, en France ou ceux restés en Syrie sont très différentes les unes des autres. C’est une richesse. Mais, de ce fait, il n’y a pas d’identité du cinéma syrien, contrairement au cinéma iranien, par exemple. »
Diffusion
Diala Al Hindaoui et Sara Kontar déplorent aussi l’effet des coproductions réalisées par des non-Syriens qui se sont approprié l’histoire récente pour en faire des scénarios de films commerciaux. Non seulement ceux-ci ne s’adressent pas aux Syriens mais ils leur enlèvent des possibilités de raconter leur histoire via leurs propres œuvres.
Le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) a décidé de se joindre à ces journées. « La présence du CNC est très positive à nos yeux, dit Christophe Leparc. Comme nous, le CNC écoutera les attentes et les craintes des cinéastes syriens. Sa volonté, affirmée par son président, Gaëtan Bruel, est de les aider, notamment en matière de formation et de production, avec aussi un volet sauvegarde du patrimoine. »
Le soutien à la diffusion en Syrie même sera également l’objet d’une attention particulière. « Avec l’arrivée du nouveau gouvernement, des espaces de diffusion ont été ouverts, mais de manière anarchique, expliquent Diala Al Hindaoui et Sara Kontar. Des films interdits jusqu’ici ont pu être montrés. Mais nous ne savons pas encore ce qui à terme sera autorisé ou pas. Nous devons nous tenir sur nos gardes. »
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