Les contradictions du plan Trump pour Gaza

Au-delà du sort des otages israéliens, les pourparlers de Charm el-Cheikh concernant le « plan de paix » états-unien n’incitent guère à l’optimisme pour les Palestiniens.

Denis Sieffert  • 7 octobre 2025
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Les contradictions du plan Trump pour Gaza
Manifestation de solidarité avec les Palestiniens et pour condamner l'interception de la flottille Global Sumud par l'armée israélienne, à Bogota, le 2 octobre 2025.
© Raul ARBOLEDA / AFP

Comme un symbole, les pourparlers de Charm el-Cheikh, après 24 heures consacrées à l’installation des délégations, ont débuté deux ans jour pour jour après l’attaque du Hamas. On y a parlé de l’avenir bien hypothétique de Gaza, tandis qu’à Tel-Aviv et à Jérusalem on commémorait les morts israéliens du 7-Octobre. Il ne se trouve jamais trop de monde, hélas, pour réconcilier les mémoires et commémorer en même temps les 67 000 morts de Gaza et les 1 200 victimes israéliennes du Hamas. On jugera donc de la réussite ou de l’échec du plan au sort des vingt otages encore vivants. Le prix à payer par Israël est négligeable. La plupart des prisonniers palestiniens libérés n’avaient été ni jugés ni condamnés. Arrêtés après le 7-Octobre, ils étaient manifestement destinés à servir de monnaie d’échange.

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Dans cette première phase, le Hamas est évidemment dans une situation très inconfortable. Soit il libère les otages, mais alors il perd ce qu’il considère être un levier pour la suite. Soit il se montre un peu trop exigeant, notamment sur le rythme du retrait de l’armée israélienne et son propre désarmement, et il aura les flammes de l’enfer que lui a promis Donald Trump. En clair, le déluge de feu reprendrait sur la population de Gaza. Mais si le Hamas obtempère, et si les otages sont libérés, il devra pour la suite faire confiance à Donald Trump pour le retrait israélien et la pérennité du cessez-le-feu. Autant dire qu’il n’a aucune garantie pour la suite. On imagine qu’aussitôt la libération des otages obtenue le président américain se désintéressera du dossier et revendiquera ridiculement le Prix Nobel de la paix. Seuls le Qatar et l’Arabie saoudite seront alors garants de la mise en œuvre de la partie politique du plan. Mais que pèseront-ils face à un Netanyahou qui n’en veut pas ? Voilà qui n’incite guère à l’optimisme.

L’éradication politique du Hamas n’aurait de sens que si les États-Unis, les pays arabes, l’Union européenne et Israël s’employaient à revitaliser l’Autorité palestinienne.

Car ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement le sort du Hamas, dont on ne pleurerait ni le désarmement, ni le démantèlement, ni sa relégation définitive dans les poubelles de l’histoire, c’est le sort de tout un peuple, et de toute une région. L’éradication politique du Hamas n’aurait de sens que si les États-Unis, les pays arabes, l’Union européenne – qui n’a pas droit au moindre strapontin dans cette affaire – et Israël s’employaient à revitaliser l’Autorité palestinienne. Mais qui dit Autorité palestinienne dit État palestinien, décolonisation de la Cisjordanie, reconstruction de Gaza au profit de sa population… Or, ce plan heurte frontalement Netanyahou et ses amis fascistes, l’idéologie sioniste de droite qu’ils incarnent et qui a envahi une partie de l’opinion israélienne, les religieux, les colons, et beaucoup de ceux qu’on appelle les Mizrahim, venus du Maghreb, souvent revanchards contre les Arabes. Tout un univers idéologiquement hostile que le 7-Octobre a renforcé.

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Comme on le voit, la pente de l’histoire qu’il faut remonter est raide ! Et les acteurs qui ont aujourd’hui du pouvoir vont à contresens. Les Européens pourraient jouer un rôle positif, et c’est bien pourquoi, en dépit de la demande de Kaja Kallas, représentante de l’UE, Israéliens et Américains ne veulent pas de l’Europe dans ce processus. Les contradictions sont flagrantes. Tandis que l’on prétend éliminer le Hamas, les vivres sont coupés à l’Autorité palestinienne, les taxes qui lui reviennent de droit sont scandaleusement détournées par Israël, et les leaders qui pourraient remplacer Mahmoud Abbas, soigneusement maintenus en prison. En attendant, il faut souhaiter plus modestement la libération des otages et l’arrêt immédiat des bombardements sur Gaza. Ce qui serait déjà de nature à faire pencher la psychologie collective israélienne en faveur des plus progressistes, et à réveiller une empathie bien défaillante pour les Gazaouis.

Les lignes ne cessent de bouger sur les cartes de Trump et de Netanyahou à l’intérieur du territoire palestinien.

Quant à l’engagement de retrait de l’armée israélienne, on voit bien qu’il est déjà remis en cause avant même d’être amorcé. Les lignes ne cessent de bouger sur les cartes de Trump et de Netanyahou à l’intérieur du territoire palestinien, et le cessez-le-feu n’est toujours pas appliqué. Finalement, l’un des enjeux majeurs de Charm el-Cheikh, c’est la façon dont les décisions seront perçues en Israël. Et la capacité de ce pays à se débarrasser de Netanyahou, et à l’envoyer à sa vraie place, devant les tribunaux. Le premier ministre israélien, déjà mis en cause dans plusieurs affaires de corruption, s’oppose à la création d’une commission d’enquête indépendante sur les défaillances de son gouvernement dans l’attaque du 7-Octobre. C’est aussi une façon d’empêcher que la page se tourne.

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