« Bollywood Boulevard », une jeunesse indienne
Pauline Caupenne signe une performance bluffante au service d’un propos existentiel et politique.
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© Yves Poey
Bollywood Boulevard / Pauline Caupenne / Théâtre La Flèche, Paris 11e / jusqu’au 11 décembre.
On n’est pas sérieuse quand on a 19 ans. À cet âge, Pauline, ayant le sentiment de ne pas avoir la vie dont elle rêve, est partie voir ailleurs si elle y était. Loin, très loin : en Inde. Pourquoi là ? Pauline n’a pas de clichés en tête, d’imagerie a priori. Contrairement aux hippies accomplissant le voyage en Inde dans les années 1970 pour échapper à la société de consommation, elle aurait pu atterrir au Japon ou en Australie. Parce qu’elle ne fuit rien d’autre qu’elle-même.
La performance, au rythme virevoltant, est bluffante et toujours fluide.
Par hasard, elle se retrouve dans le milieu de Tollywood, l’équivalent de Bollywood mais dans le sud du pays, où l’on parle le telugu. Elle est engagée pour tenir le premier rôle dans un film (dont on verra des images) et est ainsi promise à la célébrité. Seule en scène, Pauline Caupenne raconte la vie de cette jeune femme au pays de Shiva. Elle l’incarne, ainsi qu’une profusion de personnages autour d’elle : une agente, un réalisateur, un comédien, une femme chasseuse de serpents, un enfant, d’autres encore…
Gratitude
La comédienne alterne aussi les langues, passant du français à ce qu’il faut d’anglais en passant par quelques éclats de telugu. Elle danse aussi, et chante. Mise en scène par Grégoire Leprince-Ringuet, la performance, au rythme virevoltant, est bluffante et toujours fluide. Il ne faut que quelques accessoires et deux seules couleurs, le noir et le rose (celui du sari), pour que le spectateur y croie.
Bollywood boulevard a tout du roman d’apprentissage : au bout de la route, Pauline aura beaucoup grandi. Ces « étranges étrangers », aux mœurs fort différents et à la spiritualité exacerbée, lui font comprendre qui elle est, sans jamais que la jeune Occidentale adopte une position de surplomb – à son père, au téléphone, elle dira même : « Ne pas avoir du tout de croyance, ce n’est peut-être pas mieux. » Le spectacle prend là sa dimension politique, à la faveur d’un texte, signé par l’actrice, à la justesse impeccable, jetant sur la société indienne un regard dénué d’exotisme mais nourri d’une connaissance de l’intérieur mêlée de gratitude.
Gratitude ? Oui, parce que Pauline Caupenne a conçu Bollywood boulevard aussi comme un geste de reconnaissance. On pressentait que cette histoire, n’excluant pas la fiction, était à forte dose autobiographique. On en a confirmation quand on réalise que la jeune héroïne, sur les extraits du film de Tollywood projetés, est bien la même Pauline Caupenne, quelque quinze ans plus tôt. Alors, un doux vertige s’instaure, sur le fil d’un continuum, entre ce que l’on a été et ce que l’on devient…
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