Le changement climatique fait de plus en plus de victimes
À l’approche de la COP 30, la crise climatique continue de s’aggraver. Si le phénomène s’intensifie, l’injustice climatique, elle, demeure. Pendant que les plus vulnérables sont en première ligne, une minorité d’ultra-riches continue d’alimenter ce dérèglement.

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Dans l’archipel du Bailique, au Brésil : « Je crois qu’ici, tout va disparaître » COP 30 : « L’accord de Paris est comme un phare, mais ce n’est pas une baguette magique »Comme chaque année à l’approche de la COP, la célèbre revue médicale britannique The Lancet publie un rapport sur l’impact du changement climatique. Le dernier montre un impact de plus en plus marqué sur la santé des populations dans le monde. Niveau catastrophes, l’année 2024 cumule plusieurs records : 60,7 % des terres ont connu au moins un mois de sécheresse extrême (trois fois plus que dans les années 50) et 64 % des régions ont vu une hausse des précipitations extrêmes par rapport aux années 1961-1990.
Cette intensification se lit aussi dans le nombre de désastres enregistrés. D’après la base internationale des catastrophes EM-DAT, les inondations recensées ont presque doublé depuis les années 1990 : en moyenne 86 événements par an dans les années 1990 contre 167 par an sur 2015-2024. Les épisodes de températures extrêmes ont été multipliés par plus de 2,5 (de 9 à 23 par an sur la même période).
Les tempêtes sont aussi de plus en plus présentes avec une augmentation de 31 %. Alors que la Jamaïque vient d’être violemment frappée par l’ouragan Melissa, la puissance des vents augmente continuellement. Entre 1981 et 2010, environ un cyclone tropical sur dix dépassait les 250 km/h. Sur la dernière décennie, le nombre passe à 1,4 sur dix, soit près de 50 % de plus.
Le nombre d’incendies a aussi augmenté de 43 %. Les données du système européen d’information sur les feux de forêts vont dans le même sens et montrent une forte augmentation des superficies brûlées dans tous les pays du continent. La médiane annuelle de ces catastrophes passe de 36 événements en 1990 à 96 en 2024, le plus haut enregistré par EM-DAT. « Le nombre de catastrophes liées au climat a triplé dans les trente dernières années », annonce de son côté l’ONG Oxfam.
De plus en plus de morts
Selon l’étude du Lancet rédigée par 128 experts, la chaleur est liée à 546 000 décès par an en moyenne entre 2012 et 2021, soit une augmentation de 63 % par rapport aux années 1990. Même en tenant compte de la croissance démographique, la mortalité liée à la chaleur augmente d’environ 23 %. Les pays à faible indice de développement portent la plus lourde part de ces décès. Le temps chaud et sec augmente aussi le risque d’incendies de forêt. L’année 2024 a enregistré un nombre record de 154 000 décès dus à la pollution atmosphérique provenant de la fumée des incendies de forêt.
Par rapport à la période 1981-2010, l’augmentation de jours de canicule et de mois de sécheresse observé en 2023 a placé en insécurité alimentaire modérée ou grave plus de 123 millions de personnes supplémentaires dans 124 pays. « Le changement climatique fait de plus en plus de victimes », résument les chercheurs.
Ces catastrophes créent aussi des déplacements massifs de population. L’Observatoire des déplacements internes (IDMC) recense 45,8 millions de déplacements internes dus à des catastrophes en 2024, le plus haut niveau enregistré et presque le double de la moyenne de la décennie précédente.
Des inégalités de classes vertigineuses
Près de 80 % des personnes pauvres, soit 887 millions, sont directement exposées à ces risques climatiques, selon un rapport du programme des Nations unies pour le développement de 2025. Mais, comme le montre la dernière étude d’Oxfam, ce sont les plus riches qui émettent le plus de CO2 avec une inégalité vertigineuse. En 2023, l’empreinte annuelle par personne est estimée à 0,8 tonnes de CO2 (et équivalent) pour la moitié la plus pauvre de l’humanité contre 298 tonnes pour le 0,1 % les plus riches.
À eux seuls, les 1 % les plus riches sont responsables de la moitié des émissions. « Si tout le monde émettait autant que les 1 % les plus riches, le budget carbone [pour rester sous le seuil maximal de 1,5 °C] serait épuisé en moins de trois mois », explique l’ONG dans son rapport.
Près de 80 % des personnes pauvres, soit 887 millions, sont directement exposées à ces risques climatiques.
À l’approche de la COP 30, plusieurs priorités se dégagent pour les ONG. D’abord, cibler les « ultra-émetteurs ». Oxfam recommande des impôts progressifs sur les très hauts revenus et patrimoines, une taxe permanente sur les surprofits des grandes entreprises, et des taxes sur les biens et usages de luxe très carbonés (jets privés, yachts). Elle appelle aussi à brider l’influence des acteurs fossiles : encadrer ou interdire leurs dons et leur lobbying et les exclure des négociations climatiques. Elle invite aussi fortement à réduire de 97 à 99 % les émissions des plus riches d’ici à 2030.
Pour le Réseau Action Climat, il faut réformer la gouvernance des COP en limitant l’accès et l’influence des lobbies fossiles. Dix ans après l’accord de Paris sur le climat, la trajectoire mondiale n’est plus de +4 °C (celle prévue avant l’accord) mais contenue entre +2,6 °C et +2,8 °C, si tous les plans sont appliqués. Mais la mise en œuvre se heurte à l’influence des lobbies et des soutiens publics aux énergies fossiles.
Le Réseau Action Climat appelle donc à de nouveaux financements plus justes (réforme financière et fiscalités internationales), à une transition juste et « à la fin des fausses solutions ». D’après l’ONU, « la réalisation des objectifs de l’accord de Paris pourrait sauver environ un million de vies par an dans le monde d’ici à 2050, grâce à la seule réduction de la pollution atmosphérique. »
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