Dans 56 journaux télévisés, moins de 3 minutes sur Gaza
Un mois après le « plan de paix » signé sous l’impulsion de Donald Trump, Benyamin Netanyahou a relancé les bombardements sur Gaza, en violation de l’accord. Depuis trois semaines, les médias français semblent passer sous silence la reprise de l’offensive israélienne.

© DR
Dans les jours qui ont suivi la signature du « plan Trump », les journaux télévisés français ont largement couvert l’événement, mettant en scène sa dimension spectaculaire à travers un récit uniformisé sur l’ensemble des chaînes d’information.
La libération des otages israéliens par le Hamas a été largement relayée et a occupé une place centrale dans les JT, renforçant l’idée d’un moment historique et d’une réussite diplomatique majeure de la puissance américaine. La journée du 13 octobre a notamment fait l’objet d’une analyse détaillée par les journalistes d’Arrêt sur images, qui ont souligné l’attention particulière portée autour de cette journée. Mais d’après le comptage de Politis, depuis cette date, l’attention médiatique sur la bande de Gaza est totalement retombée.
2 minutes et 57 pour 3 semaines de JT
Du 17 octobre au 6 novembre, sur 40 journaux télévisés, France 2 n’a accordé aucune seconde à la violation de « l’accord de paix » par le gouvernement de Netanyahou. Une telle absence est d’autant plus préoccupante qu’il s’agit du service public, dont la mission inclut l’information complète et équilibrée sur les événements internationaux majeurs.
Cela est d’autant plus inquiétant que depuis le 7-Octobre, les médias français ont largement privilégié la parole israélienne, allant parfois jusqu’à inviter des membres du gouvernement ou de l’armée de Tsahal pour commenter les événements. On se souvient de l’interview de Benyamin Netanyahou par LCI, en mai 2024, et des nombreuses invitations du porte-parole de l’armée israélienne, Olivier Rafowicz.
TF1 diffère légèrement de son concurrent. Si du 30 octobre au 6 novembre, les 16 JT visionnés ne sont pas revenus sur la situation à Gaza, le 28 octobre, en revanche, la chaîne privée a consacré un sujet de 1 minute et 11 secondes présentant les bombardements comme une « réponse israélienne ». La chaîne s’est appuyée exclusivement sur les sources du ministère de la Défense de Netanyahou, sans préciser le nombre ou le profil des victimes.
La correspondante à Tel-Aviv évoque la « sévérité de la réponse » et la nécessité de réagir face aux attaques contre les soldats israéliens, tout en restant vague sur les conséquences humaines à Gaza. Le lendemain, le JT de 13 heures a été plus détaillé, annonçant « plus de 100 morts à Gaza ». Il a montré pendant 1 minute et 16 secondes les images de Palestiniens tenant les corps de leurs proches.
Cependant, ces images, bien que plus explicites, sont rapidement encadrées par la justification des frappes qualifiées de « représailles ». Trente secondes supplémentaires étaient consacrées à Donald Trump mettant l’accent sur l’espoir que le Hamas se comporte bien pour que le cessez-le-feu tienne.
Du 17 octobre au 6 novembre, sur 40 journaux télévisés, France 2 n’a accordé aucune seconde à la violation de « l’accord de paix » par le gouvernement de Netanyahou.
Malgré la violation de l’accord de paix, le silence médiatique
La couverture, et l’absence de couverture, renvoie un signal selon lequel tout semble rentrer dans l’ordre. La guerre touche à sa fin. Les États-Unis apparaissent comme les artisans de la paix, Donald Trump le « héros », « l’homme qui a permis la fin d’un long cauchemar ». Aucun rappel n’est fait sur le rôle des États-Unis dans l’armement d’Israël ni de leur veto systématique contre les résolutions de l’ONU appelant à un cessez-le-feu à Gaza. Finie, la guerre à Gaza : place au vol des bijoux du Louvre.
Dans ce traitement médiatique, les corps israéliens sont humanisés et contextualisés : leurs noms cités, leurs visages apparaissent et les témoignages de leurs familles sont présentés. En revanche, les Palestiniens sont invisibilisés, réduits à des chiffres et privés de tout témoignage ou identification personnelle. La présentation sémantique différencie également les « otages israéliens » des « prisonniers palestiniens ». Enfin, les images de Gaza et de ses habitants restent quasiment absentes.
Cette accalmie médiatique ne reflète pas la réalité. Dans la nuit du 28 au 29 octobre, Israël a mené de nouveaux bombardements sur Gaza, ciblant notamment l’hôpital Al-Shifa et la région de Khan Younes. Ces frappes ont fait au moins 104 morts parmi les Palestiniens, dont 46 enfants, selon les autorités locales.
Ces bombardements ont été justifiés par le gouvernement israélien comme une réponse à la mort d’un réserviste et à la lenteur supposée du Hamas dans la restitution des corps des otages. Par ailleurs, l’aide humanitaire, qui aurait dû circuler librement dans l’enclave, est restée entravée. Le passage de Rafah est toujours fermé par l’armée israélienne, témoignant du faible respect de l’accord par les autorités israéliennes.
Partout, les témoignages des Palestiniens, porteurs de souffrances, se heurtent à un silence médiatique assourdissant. Pendant que le monde détourne le regard, en Palestine, l’horreur continue. Mahmoud Abu Hamda, photographe et vidéaste qui survit encore sur place, décrit : « Les routes sont cassées, les bâtiments sont en décombres, les tentes ne peuvent pas résister au froid de la nuit ni à la chaleur du jour. L’eau est rare ou contaminée, et la nourriture maintient à peine les gens en vie. Même l’éducation et les soins de santé se font maintenant dans des tentes. »
Pour aller plus loin…
« À la Philharmonie de Paris, le public nous a littéralement lynchés »
Philharmonie de Paris : le contenu des deux plaintes pour violence volontaire
Expulsion illégale : une famille porte plainte contre le préfet des Hautes-Alpes