« Better Live » : des tournées « dolcissimo »

Le projet européen Better Live tend à diminuer l’impact environnemental de la musique live, tout en rapprochant artistes et publics. Le récent manifeste Small is better lui donne un nouvel écho.

Jérôme Provençal  • 21 novembre 2025 abonné·es
« Better Live » : des tournées « dolcissimo »
© DR

Face aux menaces concordantes du dérèglement climatique et de l’emballement inflationniste dans le domaine de la musique live (secteur dominé par de grandes compagnies aux volontés hégémoniques), le dispositif Better Live poursuit un double objectif : réduire l’empreinte carbone des concerts générée par les déplacements des artistes et des publics ; développer une circulation raisonnée des artistes en favorisant la diversité de l’offre musicale en Europe.

Le Périscope, fief lyonnais des musiques en liberté, et un proche partenaire polonais, Wytwórnia, complexe culturel situé à Lodz, ont impulsé conjointement le projet. Financé en majeure partie par le programme Europe ­Créative de l’Union européenne, il rassemble onze structures du continent actives dans la sphère du jazz et des musiques improvisées.

Le dispositif se scinde en neuf groupements régionaux répartis entre les onze alliées. À l’intérieur de chaque groupement, la ou les structures concernées œuvrent en collaboration étroite avec diverses salles de petites ou moyennes jauges – moins de 300 places ou moins de 2 000 – présentes sur le territoire d’action.

Ce projet répond aussi à des questionnements de jeunes artistes qui désapprouvent le mode dominant de construction des tournées.

M. Sallez

Lui-même doté de deux petites salles de concert, le ­Périscope couvre la France (principalement la région Auvergne-Rhône-Alpes et le sud-est), la Suisse et le nord de l’Italie. « L’idée consiste à susciter une diffusion plus saine de la musique live, à rebours de la tendance actuelle à la surenchère, souligne Mathilde Sallez, membre de l’équipe du Périscope, chargée de la coordination générale de ­Better Live. Dans le prolongement d’initiatives similaires, ce projet répond aussi à des questionnements de jeunes artistes qui désapprouvent le mode dominant de construction des tournées et s’interrogent sur l’adéquation entre leur carrière et leurs valeurs. »

Concrètement, il s’agit de proposer aux artistes plus de dates sur un périmètre restreint, afin de limiter les longs trajets et de toucher davantage de public dans ce périmètre. Une plateforme interne permet de mesurer l’empreinte carbone de chaque tournée, à partir des données fournies par les structures.

« Petit, c’est mieux »

« Better Live facilite et amplifie les échanges entre les partenaires, s’inscrit dans une dynamique de partage plutôt que dans une logique de concurrence, ajoute Raphaël Dumont, programmateur du Périscope. Par ailleurs, cela permet de faire circuler des artistes dans des territoires où ils ou elles n’auraient pas pu venir autrement. Les artistes restent plus longtemps, ont le temps de faire des rencontres, d’appréhender la réalité de la région. »

En cours depuis 2023, le projet intègre également une plateforme publique, activée en 2024, qui dispense une formation gratuite sur ces problématiques à toute personne travaillant dans le milieu de la musique live. Le dispositif prendra fin en juin 2026.

Choisir d’aller dans telle salle de concert plutôt que dans telle autre constitue un acte politique.

M. Sallez

« Après, il sera plus difficile de monter les tournées sans le soutien financier institutionnel, mais les partenariats établis vont forcément se consolider, avance Mathilde Sallez. Nous espérons pouvoir remonter des projets du même genre. En parallèle, nous essayons de sensibiliser les pouvoirs publics sur les initiatives politiques qu’il faudrait mener pour ancrer encore davantage ces formes de coopération dans le système du milieu musical. »

Initié dans le cadre de Better Live, un manifeste intitulé Small is better, en faveur des petites et moyennes salles, a ainsi été rendu public début octobre, à l’initiative du ­Périscope. « Ces salles n’ont pas du tout le même impact que les grandes, type Zénith ou stade, sur le plan écologique comme sur le plan social ou économique, souligne Mathilde Sallez. Elles permettent de construire du lien, de participer à la vie collective. En outre, accompagnant les artistes sur la durée, elles contribuent notablement à la viabilité des carrières. Choisir d’aller dans telle salle de concert plutôt que dans telle autre constitue un acte politique. C’est vraiment important d’en prendre conscience. »

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