« Quand il y a des victoires à arracher, la gauche sait se serrer les coudes »

Léa Balage El Mariky, porte-parole du groupe Écologiste et social, annonce l’opposition des verts sur le projet de loi de finances tel qu’il est. Et relativise l’impact des divergences stratégiques autour du budget sur l’union de la gauche.

Lucas Sarafian  • 16 décembre 2025 abonné·es
« Quand il y a des victoires à arracher, la gauche sait se serrer les coudes »
La députée écologiste Léa Balange el Mariky en juin 2022, alors qu’elle était candidate aux législatives sous l’étiquette NUPES
© JULIEN DE ROSA / AFP

Le projet de loi de finances (PLF) a été adopté au Sénat hier. Quel regard portez-vous sur son orientation ?

Je ne suis pas vraiment surprise que les sénateurs souhaitent aggraver le déficit en refusant de nouvelles recettes tout en coupant dans les dépenses indispensables pour notre pays. Pour des personnes qui considèrent que la lutte contre le déficit public doit être l’alpha et l’oméga de la politique, ils refusent de voir la réalité économique : si on réduit les recettes, on ne peut plus financer les dépenses, donc on aggrave le déficit. Dans cette version, ce texte sera logiquement rejeté par l’Assemblée nationale.

Une commission mixte paritaire (CMP) se réunira le 19 décembre pour trouver un accord. Qu’en attendez-vous ?

Nous verrons où se situe le barycentre des macronistes. Est-ce qu’ils vont tout céder à la droite parce qu’ils voudront une CMP conclusive ? Ou est-ce qu’ils défendront ce qui a été adopté à l’Assemblée nationale, c’est-à-dire le peu de recettes supplémentaires que nous avons arrachées sur la taxation des superprofits et des dividendes ? Mais je ne suis pas naïve sur l’issue de cette CMP. Elle va être longue, tout le monde va la commenter… Et nous nous retrouverons avec un texte qui n’a ni queue ni tête, aggravera le financement des services publics indispensables, de la transition écologique, des collectivités territoriales, et ne mettra pas à contribution les plus hauts revenus. Je ne vois pas comment nous pourrions nous abstenir ou voter pour.

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À l’Assemblée nationale, le bloc central s’est divisé sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). Concernant le PLF, les débats ont aussi montré des accords très fréquents entre la Macronie et l’extrême droite. Quel regard portez-vous sur ce bloc politique ?

L’état de cet espace politique ne m’intéresse pas. En revanche, leur dynamique est très inquiétante. En juillet 2024, les macronistes ont été élus grâce au front républicain. Ensuite, ils ont répété les alliances et travaillé à des connivences sur des questions fiscales pour faire adopter leurs textes. Michel Barnier, François Bayrou…

Nous avons un bloc de droite qui fait sauter toutes les digues. Ils sont en train d’embrasser le projet politique de Marine Le Pen.

Les macronistes veulent défendre ce qu’il reste de leur bilan parce qu’ils croient encore que le macronisme répond aux défis de notre temps. Ils se trompent. Mais comme le Rassemblement national a décidé de devenir les meilleurs alliés des ultralibéraux et des plus grandes fortunes de ce pays qui ne veulent pas contribuer, les macronistes décident de s’allier au bénéfice de la préservation des intérêts particuliers des ultrariches et des groupes capitaux de ce pays. Une union politique est en train de se construire.

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À gauche, est-ce que les divergences stratégiques durant cette séquence budgétaire éteignent tout espoir d’union ?

Ce serait mentir que de dire que les attaques ad hominem à l’Assemblée ou sur les plateaux de télévision facilitent les choses. Mais nos atermoiements interpersonnels ne doivent pas avoir de place par rapport au péril du moment. S’entendre ou ne pas s’entendre avec une autre personne a-t-il vraiment une importance quand nous regardons la dynamique du pays dans laquelle nous sommes ? Nous avons un bloc de droite qui fait sauter toutes les digues. Ils sont en train d’embrasser le projet politique de Marine Le Pen alors qu’un quart d’entre eux, dont Laurent Wauquiez, a été élu grâce au front républicain.

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Oui, nous avons aussi des divergences stratégiques sur les municipales. Mais je ne crois pas que les débats nationaux auront une incidence majeure sur nos alliances. Ce sont avant tout les dynamiques locales qui décident des unions. Quand la droite menacera de remporter une ville ou quand nous serons en capacité d’en remporter, nous arriverons à nous mettre d’accord, entre le premier et le second tour, comme nous l’avons toujours fait.

Toute notre énergie doit être mise sur la diminution du niveau d’adhésion aux idées d’extrême droite dans le pays.

Et si Emmanuel Macron décide de dissoudre, il faut faire les choses simplement : reconduire les députés sortants et l’accord dans les circonscriptions que nous pouvons remporter. Pendant la niche parlementaire des insoumis, toute la gauche était là. Pendant celle des socialistes, pareil. Quand il y a des victoires à arracher, nous savons nous serrer les coudes. Toute notre énergie doit être mise sur la diminution du niveau d’adhésion aux idées d’extrême droite dans le pays. C’est tout.

Est-ce que ces divergences stratégiques fragilisent la perspective de la tenue d’une primaire de la gauche que vous souhaitez pour 2027 ?

Non, les débats budgétaires n’ont pas entaché notre volonté d’avoir un espace démocratique plus ouvert que l’Assemblée nationale pour pouvoir trancher un certain nombre de positions et de visions stratégiques. Une primaire, ce n’est pas une discussion entre nous dans une salle cloîtrée, c’est une manière de porter le débat de manière transparente et démocratique. Je ne vois pas encore un meilleur outil pour pouvoir propulser une campagne présidentielle quand nous avons une diversité d’incarnations et de propositions sur la table. Et la séquence budgétaire montre que nos adversaires politiques peuvent s’unir dans un front libéral et fasciste. Donc cette primaire est d’autant plus nécessaire.

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