En revenant du salon de la ferme

Raphaël Sardou est membre du Collectif antilibéral de soutien de José Bové d'Avignon et membre du Conseil d’administration de Politis.
Raphaël Sardou  • 13 mars 2007
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Lundi 5 mars 2007, répondant à l’invitation de José Bové et des siens, nous partons d’Avignon pour le rejoindre sur sa base aveyronnaise, parler de l’agriculture et de ses enjeux. Les voitures sont nombreuses sur les parkings de Montredon à notre arrivée. Rassemblement autour de la grande tente, où beaucoup de monde s’agite déjà : journalistes tv, radio et presse écrite, nationaux et régionaux, organisateurs, participants, ça parle, ça hume le bon air, mais la bonne humeur se mélange au sérieux de la rencontre.

Au milieu, José Bové, l’œil pétillant, se partage entre les interviewes et les aménagements de dernière minute, un banc à transporter, une poubelle à replacer. Comme prévu, vers 11 heures, José emmène les deux cents participants visiter son exploitation qu’il conduit avec deux associés. La bergerie, l’unité de production de fromages, sa maison en bois écologique, payée 120 000 euros pour un emprunt de 90 000 euros, rien n’est caché.

Mais la visite donne lieu, aussi, à plusieurs déclarations qui ne laissent aucun doute sur la nature de la rencontre : « Installé depuis plus de 30 ans sur le Larzac pour la première fois, cette année, il n’a pas été possible de faire la moindre botte de foin en raison d’une sécheresse persistante. » Bové est en prise directe avec les difficultés que traverse le monde paysan. Il insiste sur les deux conceptions, opposées, des « agriculteurs » et des « paysans », entre production agricole industrielle et culture soucieuse de l’environnement, du consommateur et du paysan lui-même. José Bové affirme également sa conviction du rôle essentiel que l’agriculture traditionnelle joue et jouera : « un groupement de 20 paysans a créé 16 emplois permanents ». Un membre de l’équipe arbore un T-shirt « Trois petites fermes valent mieux qu’une grande ».

Quelques pas plus loin, Bové se glisse plus directement vers la politique et la candidature à la Présidentielle : Il condamne, chiffres à l’appui, l’aberration des actions menées par l’institution européenne en matière agricole, et ces subventions énormes qui entretiennent des pratiques inacceptables.
A une question sur sa candidature, il confirme « sa volonté d’aller jusqu’au bout » et insiste sur le fait qu’il n’est « que le représentant d’un vaste mouvement, nourri des aspirations de nombreux français » et qui « s’appuie sur des années de lutte pour une société plus juste et plus harmonieuse. » Tout cela est connu et attendu, mais cela va mieux en le disant.

Pourtant ce qui frappe le plus, au delà du lieu qui nous accueille, c’est la personnalité des gens qui entourent le candidat. Compagnons de lutte pour la plupart, on ressent tout à la fois la simplicité, la lucidité, la solidarité et ce courage obstiné de ces obscurs, mais pas sans grade, qui comme le rappellera Léon, rédacteur bénévole du Gardarem lo larzac ont, depuis de longues années, rendu possible ce qui, au départ, semblait tout à fait hors de portée.
Lors de la balade, José rappelle que Montredon a été vidé de ses habitants. La folie guerrière de 14 –18 faucha la totalité des hommes du hameau. Les épouses et les enfants démunis abandonnèrent les lieux, qui restèrent sans vie pendant près de 40 années. L’installation dans les années 70 fut donc un retour à la vie. Beau symbole pour appuyer la lutte.

Autre figure de l’entourage, Raymond, ancien d’Algérie, ancien conseiller général, qui crée une association, de plus de 100 anciens combattants français, qui, pour des raisons de « dignité » reversent leur retraite de combattant pour financer des actions « humanistes » , en Algérie, en Afghanistan, en Palestine… dans la discrétion, pour la dignité.

Le repas en commun fut à la hauteur des attentes. Musique « fanfaresque », chanteur guitariste à la Dylan, qualité des produits et bonne humeur. Il y avait quelque chose des enthousiasmes et des espérances des années 70… La naïveté en moins et la détermination en plus, sans doute. L’après-midi fut celui des orateurs ; François Dufour, compagnon de longue date, venu de la Mayenne, et différents « Companeros », qui s’attachent à parler de leurs pratiques paysannes avec les difficultés, mais surtout avec les très nombreuses réussites qui attestent qu’un « autre monde est en marche » , concrètement.

Intermède de franche malice où l’on rappelle tous les « coups » de la confédération. De Cancun à Seattle, les courses en tracteurs, le camping sous la tour Eiffel, les diverses pérégrinations judiciaires, un authentique parcours d’aventures et de conviction, presque une ambiance de veillée, où chacun apporte son anecdote. D’autres combats nous attendent, Flamanville, l’EPR, Airbus, Toulouse, la campagne les élections….Pour clore la journée, José Bové rappelle une dernière réussite : le marché de Montredon, de juillet à août, le mercredi après midi, une moyenne de 1 500 visiteurs acheteurs, où les enfants occupent toute leur place.

Nous repartons, Pierre et moi. Lui, dans la besace, le livre de José, Candidat rebelle , tout un programme. Et moi Pesticide. Révélations sur un scandale Français de F. Nicolino et F. Veillerette.. Tout est à sa place. « Un autre monde est en marche » : « La marche est en nous » disent les calicots multicolores…

enzogiornale@gmail.com

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