En attendant le 11 octobre

Francine Bavay et François Simon* font
le lien entre
la récente réunion des écologistes
de Miremont (voir « Politis » n° 1016)
et la prochaine assemblée
des signataires de l’Appel
de « Politis ».
Et puisent dans ces deux événements des raisons nouvelles d’espérer.

Francine Bavay  et  François Simon  • 25 septembre 2008 abonné·es

Nous étions 150 à Miremont [^2]. Pendant que nous nous réunissions, un critérium moto passait inlassablement sous nos fenêtres. Nous ne le savions pas encore mais, à quelques kilomètres de là, un paysan bio récemment installé pour produire différemment était violemment poussé à quitter la région. Alors que la conscience de l’urgence écologique a fait un bon vertigineux, les pratiques quotidiennes continuent comme si de rien n’était.
Cette lucidité est partagée par les sept structures et les personnes non organisées qui se sont réunies à Miremont. Nous savons que les écologistes sont faibles. Nous savons que c’est cette faiblesse qui fait le succès de la proposition de rassemblement des écologistes initiée par Daniel Cohn-Bendit. Il y a une différence majeure entre ces deux initiatives, par-delà la question électorale : à Miremont, les écologistes ne souhaitaient pas rester isolés entre eux. Au contraire, ils veulent s’inscrire dans le débat lancé par Politis , même si nombre d’entre eux ont insisté sur ses limites ; ils veulent aussi participer à faire de la gauche une gauche écologiste et sociale, qui renoue avec les valeurs de l’écologie politique et celles d’une transformation de la société.
C’est ce retour aux valeurs, celles d’André Gorz notamment, qui constitue la radicalité de ce rassemblement qui ne souhaite d’aucune manière se contenter de dénoncer le système de développement tout en le laissant vivre. Entre la renonciation à la transformation, façon capitalisme vert, et la protestation qui dénonce sans proposer, façon Nouveau Parti anticapitaliste, il y a une autre voie à concevoir politiquement, à inventer pratiquement.

La politique est un art de vivre dans la mesure où elle se mêle des décisions qui vous concernent pour transformer votre vie. Nous partageons la conscience que, si nous n’agissons pas, les conséquences pour nous et tous les humains, d’ici et du reste du monde, d’aujourd’hui et de demain, seront si graves que la question de l’égalité de traitement des personnes sera une fois de plus occultée. Cette fois, non pas pour des questions de chômage et de précarité mais de survie pratique, d’extrême pauvreté, de faim, de maladies incurables…
Si nous laissons le capitalisme mondialisé sur sa lancée, reboosté par la « nouvelle frontière » du capitalisme vert, alors il ne sera plus temps que de dénoncer les catastrophes. Ce n’est pas notre projet. Nous voulons proposer à nos concitoyennes et concitoyens un projet politique qui leur permette de transformer leur propre vie et d’agir ensemble. Nous savons que les inégalités ne sont pas qu’économiques, que les inégalités de capital culturel ou relationnel sont aussi importantes, et qu’il faut les affronter simultanément si nous voulons réussir.

Nous étions 150. Le succès était pourtant loin d’être certain quand un élu Alter Ekolo Auvergne avait décidé, au début de l’été, cette rencontre improbable entre écologistes si divers. La rencontre de sept petits groupes incarnant plus la fin du cycle générationnel commencé en fanfare en 1968 que le renouveau attendu aurait pu tourner court ou se terminer dans la confusion, comme cela s’est produit plusieurs fois déjà. Rien de tout cela n’est arrivé.
Nous aurions pu aussi nous réfugier dans le giron d’un nouveau concept, remplacer développement durable par décroissance et rentrer chez nous satisfaits d’un tel prodige de communication. Cet écueil-là aussi, nous l’avons écarté. La raison ? Peut-être parce que notre rassemblement n’a pas laissé la gauche de transformation indifférente, que les soutiens reçus sont venus de toutes les familles politiques et nous ont donné à croire que nous avions finalement commencé à réussir quelque chose après des années d’efforts : convaincre la gauche de transformation sociale que les questions écologiques sont incontournables. Il reste encore beaucoup à faire pour y arriver. Si Miremont a été un succès, le premier événement constructif après toutes ces années d’éparpillement, c’est certainement parce que nous avons reçu des preuves de cette évolution.

Alors restons mobilisés jusqu’à ce que, le 11 octobre, peut-être un autre petit pas, une petite brique, un petit rêve, faits de désaffiliation militante assumée, de mobilisations générationnelles nouvelles, comme celles sur le logement, permettent de reconstruire une gauche digne de ce nom pour combattre le capitalisme mondialisé et préserver la seule planète que les humains ont pour vivre debout.

[^2]: La réunion dite de Miremont s’est tenue dans les Combrailles.

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