On vous a annoncé le retour de la directive Bolkestein, voici les modalités de sa transposition

Thierry Brun  • 22 juin 2009
Partager :

**Mis entre parenthèse le temps que les élections européennes s’achèvent, le dossier brûlant de la transposition de la directive européenne de libéralisation des services, dite « directive Bolkestein », ressurgit au grand jour (voir sur mon blog, http://www.politis.fr/article7133.html). Les modalités de transposition retenues par la France sont détaillées dans un rapport sénatorial publié le 17 juin.
**

Est-ce un scoop ? Les médias boudent cette information qui n’est pas sans importance puisque la transposition de cette directive, avant le 28 décembre, est considérée comme l’un des principaux piliers des « réformes structurelles » en France , si l’on en croit l’UMP Jean Bizet, qui est accessoirement un pro-OGM mais aussi un membre de la commission des Affaires européennes du Sénat. Pourtant, un grand nombre de dirigeants politiques de ce pays, en tête Nicolas Sarkozy, est, allez savoir pourquoi, convaincu que cette directive est enterrée… Le syndrome Bolkestein et du « plombier polonais » veulent que l’on oublie tout de ce qui s’est passé depuis 2005 et un certain référendum sur le traité constitutionnel européen. En France, aucune campagne d’information générale ne serait programmée pour l’instant par le gouvernement. « Seule une communication sur les “guichets uniques” [destinés aux prestataires et destinataires de services pour simplifier les formalités administratives] serait envisagée en direction des professionnels. Elle serait réalisée en relation étroite avec le Medef, au second semestre 2009 », nous dit Bizet. Pas un syndicat n’a été impliqué dans ce processus…

Le silence est donc requis. Et les médias obtempèrent. Ainsi, le sénateur Bizet rappelle que le gouvernement français « a abandonné l’objectif, qu’il avait initialement envisagé, de déposer un projet de loi-cadre pour transposer la « directive services ». Le gouvernement français justifie son choix « en grande partie par des considérations politiques tenant à la forte sensibilité des implications de la “directive services”, sur les professions réglementées par exemple. Une loi-cadre de transposition pourrait en effet servir d’ “épouvantail” à tous ceux qui seraient tentés d’instrumentaliser un exercice essentiellement technique à des fins électorales. Elle ne doit pas constituer un prétexte à la “cristallisation” des mécontentements de tous ordres, d’autant plus nombreux en période de crise » . Autrement dit, il ne faut que les Français s’aperçoivent qu’on libéralise leurs services, un sujet qui échaufferait trop les âmes sensibles…

Or le même Jean Bizet, au nom de la commission des Affaires européennes, a rafraîchi la mémoire collective en publiant un rapport d’information sur « l’état de la transposition de la “directive services” » .

Rapport d’information du 17 juin

Au passage, le sénateur a commis l’exploit de n’écrire qu’une fois en 37 pages le nom, désormais voué aux gémonies, de Bolkestein… Ce document que je vous livre en téléchargement est hautement instructif. D’abord pour situer l’importance de la directive Bolkestein, voici ce qu’en dit la lettre de l’association des maires de France (AMF), Maire Info, daté du lundi 22 juin :
« Son article premier établit les dispositions générales permettant de faciliter l’exercice de la liberté d’établissement des prestataires ainsi que la libre circulation des services, tout en garantissant un niveau de qualité élevé pour les services. Le champ d’application de la directive est très large. Selon son article 2, elle s’applique en effet aux services fournis par les prestataires ayant leur établissement dans un État membre. »

Les règles du jeu fixées par la directive peuvent changer en cours de route : 2010 sera la première année d’application de la directive, explique le rapport Bizet. Elle sera donc l’occasion de mesurer les premiers effets du texte, en particulier en termes d’appropriation par les prestataires de services, et de procéder à d’éventuels « ajustements », et… d’adopter les mesures de transposition qui ne l’auraient pas encore été. « Le 28 décembre 2011, et par la suite tous les trois ans, la Commission présente un rapport complet sur l’application de la « directive services », accompagné, le cas échéant, de propositions de modifications et de mesures supplémentaires concernant les questions exclues du champ d’application de la directive » . Ceux qui étaient persuadés qu’un certain nombre de services (au hasard, les services publics et les soins de santé) resteraient exclus en seront pour leurs frais. « Il n’est pas inenvisageable que certains secteurs aujourd’hui exclus du champ de la directive y soient réintégrés à l’avenir, à la demande des professionnels eux-mêmes », souligne le rapport Bizet.


Voici les conclusions du Conseil compétitivité des 5 et 6 mars sur la transposition de la directive « services » : « La mise en œuvre de la directive sur les services nous donne une occasion appréciable d’évoluer vers un marché intérieur réellement intégré, en supprimant les obstacles aux échanges commerciaux transfrontières, en facilitant l’accès des PME au marché et en offrant un plus grand choix aux consommateurs. Les États membres devraient s’assurer que les dispositions nécessaires, y compris en termes de ressources, ont été prises pour que la directive sur les services puisse être mise en œuvre dans tous ses éléments avant l’échéance de décembre 2009. Il convient de redoubler d’efforts notamment pour mener à bien le réexamen et la modernisation de la législation des États membres et pour mettre en place des « guichets uniques » pleinement opérationnels. La Commission et les États membres sont invités à procéder aux préparatifs nécessaires pour qu’un processus utile et efficace d’ « évaluation mutuelle » de la législation des États membres soit en place en 2010 ».

Temps de lecture : 5 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don