« Melancholia » de Lars von Trier ; « La Conquête » de Xavier Durringer

Christophe Kantcheff  • 19 mai 2011
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« Melancholia » de Lars von Trier ; « La Conquête » de Xavier Durringer

Illustration - « Melancholia » de Lars von Trier ; « La Conquête » de Xavier Durringer

Encore un film cosmique ! Mais si le trip métaphysique de Terrence Malick, The Tree of life , n’est pas dénué d’une certaine splendeur, l’apocalypse selon Lars von Trier, sujet de son nouveau film en compétition, Melancholia , a la lourdeur du plomb.

Après un prologue pompeux en diable, où des images d’inspiration surréaliste succèdent aux inévitables visions de l’espace planétaire, le tout sur du Wagner gonflé à bloc, le film se décline en deux parties, « Justine » et « Claire », du nom des deux sœurs qui sont au centre de cette histoire.

Première partie : le mariage de Justine (Kirsten Dunst), organisé dans l’immense demeure de sa sœur (Charlotte Gainsbourg). La fête est grandiose, les invités nombreux, mais quelque chose ne tourne pas rond. Il y a les parents de Justine et Claire, interprétés par John Hurt et Charlotte Rampling, qui font des déclarations haineuses. Mais il y a surtout Justine, pas du tout prête à vivre avec le jeune homme, un peu falot, qu’elle vient d’épouser. En réalité, Justine est complètement dépressive, atteinte de « mélancholia » (une des images « symboliques » du début la montre en Ophélia, glissant sur l’eau parmi les nénuphars, avec sa robe de mariée).

Deuxième partie : quelques jours plus tard, Justine est à ramasser à la petite cuiller, mais ça ne va pas forcément mieux pour sa sœur, prise d’anxiété à cause d’une planète folle qui se rapproche de la Terre. Les scientifiques disent qu’elle va passer à côté. Mais Claire a raison d’être inquiète. La collision est imminente. Il va falloir dire adieu à la vie.

Impossible de croire en ces personnages ; aucune émotion ne naît de ce grand malheur à venir. Lars von Trier fait des efforts pour que le spectateur perçoive le lien entre la dépression de Justine et l’angoisse de Claire, mais tout est trop desséché, trop volontariste. La seule chose souhaitable, finalement, quand on est pris au piège de ce pensum de 2h10, c’est que ça s’arrête, une bonne fois pour toute.

Quant aux déclarations affligeantes du cinéaste pendant la conférence de presse qui a suivi la projection, voici un extrait de la dépêche de l’AFP qui les évoque : « Connu pour ses provocations, Von Trier a affirmé qu’il « comprend » Hitler et jugé que « Israël fait vraiment chier ». « Je dis seulement que je comprends l’homme. Il n’est pas vraiment un brave type (…) mais je sympathise un peu avec lui », a-t-il ajouté. « Je suis avec les juifs bien sûr, mais pas trop, parce qu’Israël fait vraiment chier ».
« Émue », la direction du festival l’a invité à s’expliquer peu après. Dans un communiqué, le cinéaste a présenté ses « excuses », assurant qu’il n’était « ni antisémite, ni raciste, ni nazi ». Prenant acte, le festival a réaffirmé « qu’il n’admettra jamais que la manifestation puisse être le théâtre, sur de tels sujets, de semblables déclarations » ».

Illustration - « Melancholia » de Lars von Trier ; « La Conquête » de Xavier Durringer

Journée en basses-eaux, décidément, puisque rien ne s’est arrangé avec la Conquête , de Xavier Durringer, présenté hors compétition. L’un des films les plus attendus avant le festival, et dont l’« urgence » médiatique s’est dégonflée comme une baudruche depuis qu’a éclaté l’affaire DSK.

Tout le monde le sait : la Conquête raconte la montée vers le pouvoir, à partir de 2002, de Nicolas Sarkozy, interprété par Denis Podalydès. Le résultat est assez grotesque, bien que plus rigolo (mais moins cosmique) que le Lars von Trier.

Cinématographiquement, on se situe entre les Guignols de Canal+ et la pâle copie d’un Mocky, ce qui témoigne d’une certaine humilité dans l’ambition. Mais la prétention mimétique est affichée : les acteurs ressemblent à s’y méprendre à leurs personnages, avec un zeste plus ou moins appuyé de caricature. La politique y est vue comme une lutte entre forts des halles. Sarkozy, Villepin (Samuel Labarthe) et Chirac (Bernard le Coq, dans une imitation impayable, bientôt en one man show ?) ont un vocabulaire de charretiers et ne cessent d’imaginer comment enfoncer l’autre. À ce jeu, on connaît le gagnant, ce qui relativise le suspense. De même en ce qui concerne les relations entre Sarkozy et Cécilia qui servent de fil rouge à « l’intrigue ».

Pour qui aurait vécu sur Mars entre 2002 et 2007, le film fait la synthèse de cinq années de unes de journaux. C’est pratique. La compil’ rappelle tout ce qu’on sait déjà, citations à l’appui. Un modèle de traitement superficiel.

Deux moments parmi les plus distrayants :
1/ Le carton initial, qui dit en substance ceci : « Même si les événements racontés dans ce film peuvent avoir des ressemblances avec des faits réels, la Conquête est une fiction ». Ok, Durringer n’est pas Cavalier.
2/ Ce propos de Sarkozy : « Les hommes politiques sont réputés pour être des bêtes sexuelles ».

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