Le FSM, pour soutenir la transition démocratique en Tunisie

Patrick Piro  • 24 mars 2013
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Le forum social mondial se tient pour la première fois dans un pays en pleine ébullition, à peine sorti de deux décennies de régime autoritaire. La société civile en attend beaucoup.

Marta est fumeuse et fumasse, elle se plaint de la cigarette dans les locaux : ça n’arrête pas, au 2ème étage du 47 rue Farhat Hached, dans les locaux de la Forum tunisienne pour les droits économiques et sociaux (FTDES). Ça fume aussi beaucoup sous les crânes, et ça ne va guère se calmer, à trois jours de l’ouverture du forum social mondial 2013 (FSM), qui se tient à Tunis (26-30 mars).

Bénévole dans l’équipe de préparation, Marta pianote une bonne partie de la journée sur son ordinateur portable, l’outil de travail de base avec le smartphone, ou bien virevolte dans les couloirs, à la recherche d’Abderrahmane et de Hamouda, les deux responsables habilités à trancher dans la minute les myriades d’ultimes décisions à prendre, assez peu bénignes en général. Par exemple, veiller à ne pas installer un débat sur le Sahara occidental dans une salle contiguë à celle des syndicats marocains — clash probable.

Vers 18 heures, les va-et-viens s’amplifient. C’est l’heure des réunions générales. Les bénévoles rappliquent, occupés ailleurs dans la journée, à la fac ou au boulot — mais tout le monde n’a pas d’emploi salarié en Tunisie, loin de là, il existe même une virulente Union des diplômés chômeurs, comptant 300 000 membres.

Le gouvernement a tenu parole pour son aide logistique sur le campus El Manar, où se tiendront les débats. Signe de démocratie naissante : il n’en est pas moins vilipendé sans retenue par les mouvements sociaux pour le marasme qui englue le pays, à la parole libérée par le renversement de Ben Ali le 14 janvier 2011, mais dont le boulet économique s’est alourdi. « La majorité comme l’opposition ont intérêt à ce que le FSM soit un succès , constate un animateur avec un air entendu. Le monde nous regarde, et il ne comprendrait pas qu’en Tunisie, l’étincelle du printemps arabe, les autorités nous mettent des bâtons dans les roues. »

Les organisateurs attendent des représentants d’un millier de mouvement sociaux tunisiens —  « et beaucoup de provinciaux » . Ils escomptent du FSM un renforcement de leur capacité à peser sur une situation politique qui leur échappe, malgré leur contribution majeure à la Révolution de jasmin. Au total, « plusieurs milliers » de participants venus de 127 pays convergent vers Tunis. On disait « 50 » à la place de « plusieurs » , il y a peu. Tout s’accélère, la communication devient parfois qualitative afin de prévenir de possibles déconvenues.

Des provocations des islamistes ? La main-mise possible de l’opposition de gauche sur le FMS ? On n’est pas plus inquiets que cela, au 47 rue Farhat Hached, où l’on brandit la « charte de Porto Alegre » : « le forum est un espace ouvert. Tout le monde a le droit de s’y exprimer, nous ne redoutons aucun débat. »

Les Français seront nombreux : le pays « des droits de l’Homme » a adopté la Tunisie, il aime bien les endroits où le peuple fait tomber des têtes. Quelques débats risquent cependant de pimenter d’un peu de complexité une vision communément européenne de la solidarité progressiste. Ainsi, dans le monde arabe, les mouvements sociaux ne sont pas unanimement en faveur des minorités (Amazighs, Sahraouis) ni même supporteur de la rébellion anti-Assad en Syrie, vue par certains comme le bras armé d’un complot fomenté dans le Golfe…

Photo : AFP / CITIZENSIDE.COM

Temps de lecture : 3 minutes
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