Machines à voter, où est passée l’urne transparente ?

Aurélien Vernet  • 25 mars 2014
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Machines à voter, où est passée l’urne transparente ?

Surprise et stupeur en arrivant au bureau de vote dimanche pour le premier tour des municipales, je vais devoir utiliser une machine à voter !

![Une machine à voter NEDAP du même type que celle sur laquelle j’ai voté à Brest – machine à voter de type NEDAP source : http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Verkiezingen2.JPG

Nedap : http://fr.wikipedia.org/wiki/Nedap

Je ne verrai pas mon bulletin dans son enveloppe tomber dans l’urne transparente… Au lieu de cela, j’ai dû appuyer fort sur un bouton, puis appuyer sur un autre bouton pour valider, puis lire sur la machine : « votre vote à été enregistré, l’urne est refermée. »

J’ai un peu le sentiment de m’être fait avoir. Je n’ai aucune garantie physique que mon vote à effectivement été enregistré. Tout est dans la confiance donnée à la machine, et surtout dans le logiciel qu’elle héberge.

Le principe de l’urne transparente et des enveloppes est d’une simplicité évidente pour tous les citoyens, il permet le secret du vote de chacun et le contrôle par l’ensemble des citoyens, à tout moment, et sans aucune connaissance particulière, du déroulement des opérations de vote : on observe les bulletins tomber dans l’urne, à la fin de la journée on dépouille collectivement les enveloppes sous l’œil de plusieurs observateurs, on compte et on recompte. D’ailleurs, le système est tellement efficace que les tentatives de tricherie en deviennent grotesque.

Une urne transparente - source : http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Urne.jpg

Comment fait-on pour contrôler que la machine respecte bien les votes des citoyens ? Qui va contrôler ? Qui a programmé la machine ? Qui le paye ? Tout cela manque évidemment de transparence. Et les suspicions de défaillance des machines ou de leur logiciel se multiplient.

Est-ce que la volonté de moderniser les opérations de vote ou d’accélérer le dépouillement, car c’est surtout de cela qu’il s’agit, mérite qu’on sacrifie le contrôle citoyen des opérations ?

Le véritable problème, c’est que l’urne n’est pas transparente, la machine peut très bien recalculer les votes comme cela lui chante. Son programme n’est pas public, il bénéficie de la confidentialité attachée au secret industriel, un comble pour l’un des aspects les plus fondamentaux de la démocratie représentative.
_ Le seul moyen de vérifier que la machine fonctionne correctement le moment venu, ce serait qu’elle délivre un récépissé du vote à chaque électeur, on le glisserait ensuite dans une urne transparente, dans une petite enveloppe pour préserver la confidentialité, et à la fin de la journée on dépouillerait. C’est d’ailleurs le système choisi pour les élections au Vénézuela, les machines sont même équipées pour reconnaître les empreintes digitales de l’électeur.
_ On peut envoyer les résultats électroniques aux journalistes pendant que les citoyens vérifient les scores au dépouillement. Cela mettrait potentiellement en cause le secret du vote, car rien n’empêcherait un citoyen de raturer son récépissé, ou de glisser une enveloppe vide dans l’urne, ce qui fausserait les résultats. Bref autant conserver le système initial, qui ne gênait que les journalistes, obligés d’attendre un peu en racontant les mêmes platitudes : abstentions, montée de l’extrême droite, défaite du gouvernement, pas glorieux pour l’opposition, etc.

Si vous aussi vous avez des doutes sur le vote électronique, je vous encourage à faire un tour sur le site de l’association Ordinateurs de vote et de signer leur pétition. Il s’agit d’une association composée de citoyens et d’informaticiens (pas vraiment réfractaires au progrès), qui met en doute la sécurité et la pertinence du vote électronique.

Si vous voulez voir à quoi ressemble une élection avec des urnes opaques, je vous conseille d’aller regarder les élections russes.

Les machines à voter sont en recul en France et en Europe, mais la prochaine étape se profile rapidement avec l’avènement du vote par internet. Si vous avez lu l’article jusqu’ici, vous comprenez aisément que les risques de fraude sont démultipliés lors d’un scrutin par internet…

Si vous aussi vous avez des doutes concernant le vote électronique, vous pouvez demander l’inscription de votre réclamation au procès-verbal de votre bureau de vote en vertu de l’article R52 du code électoral.

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