Réchauffement et météo: n’en déplaise aux citadins, il ne fait pas assez froid, ce qui menace les cultures, la nature et la biodiversité

Claude-Marie Vadrot  • 27 novembre 2014
Partager :

La France des villes, celle qui en général confond le soleil et le « beau temps » tout comme la pluie et le froid avec le « mauvais temps » , ne s’intéresse guère au climat qui a régné sur le pays depuis un an. Et les citadins, y compris souvent les Verts qui ne parlent guère de nature et d’écologie, sont indifférents –voire se réjouissent- d’une année de douceur anormale et d’un hiver qui tarde à se manifester. Situation regrettable car la douceur anormale de l’automne qui se prolonge, tout comme les moyennes de température de l’année, sont préjudiciables à la nature et à l’agriculture. Et donc à nos vies.

Les bourgeons des arbres gonflent bien trop tôt et les plantes vivaces ressortent déjà de terre tandis que les animaux, des ours aux hérissons en passant par les poissons, « oublient » d’hiverner, d’hiberner ou d’adopter un processus léthargique qui leur permet de reconstituer leurs réserves de graisses. Dans mon jardin de Loire, les hérissons se promènent toujours alors qu’ils devraient être enfouis pour plusieurs mois sous des nids de feuilles. Et les perce-neige ou les crocus montrent leurs premières feuilles avec deux mois d’avance. Pour se convaincre des causes de ces décalages, il suffit d’examiner les courbes de température disponibles pour constater qu’à Paris et dans de nombreuses villes, il n’y a pas eu une seule journée de gel depuis le début de l’année. Alors que dans la capitale et dans de nombreuses agglomérations, le nombre de journées (et de nuits) avec une température inférieure à zéro oscille généralement entre 30 et 20. Ainsi, une ville comme Annecy, au pied des Alpes, n’a enregistré depuis le premier janvier dernier, qu’un vingtaine de journées de gel contre un peu moins d’une centaine en année « normale » .

Si les feuilles s’attardent sur les arbres et les arbustes, si certains rosiers et même des genêts s’obstinent à fleurir, c’est que les moyennes nationales de températures sont supérieures de 2 à 4°C aux moyennes dites normales ou de saison, une situation qui n’a été constatée que deux ou trois fois, et de façon moindre, depuis que les relevés météo existent, c’est-à-dire depuis 1880. Conséquence : comme les animaux, la plupart des végétaux vont éprouver des difficultés à constituer des réserves. Des réserves de sève qui vont manquer au moment du printemps. Réserves qui se constituent sous l’effet du gel et du froid. Résultat, qu’il s’agisse d’un jardin d’agrément, d’un potager, d’une culture, les insectes, les maladies, les champignons épargnés par les températures trop douces, s’attaquerons dés les premiers jours du printemps, à des végétaux en état de moindre résistance. Avec tous les dégâts à court, moyen et long terme que cela implique. Avec, pour l’agriculture, la tentation pour les professionnels d’épandre encore plus de pesticides dangereux pour la santé, la leur, celle de leurs voisins et celle des consommateurs. D’autant plus que, toujours pour cause de température trop douce, les insectes n’ont pas encore pris leurs quartiers d’hiver.

Ainsi se constatent, année après année, en France et dans la plupart des pays européens, les effets pervers d’un réchauffement climatique qui remet en cause l’agriculture et le fonctionnement des milieux naturels ainsi que l’existence de nombreux oiseaux migrateurs. Tout comme il perturbe l’existence des nombreux insectes (notamment les abeilles) dont nous avons besoin pour la fécondation de nombreux fruits et légumes. Une évolution que les politiques feignent encore souvent d’ignorer parce qu’ils ont incapables de réfléchir au-delà de leur prochaine élection ou réélection. Alors que les conséquences des modifications climatiques deviennent catastrophiques. Et pas seulement dans les jardins.

C’est le moment que la droite et les productivistes de gauche choisissent pour relancer la contestation du « Principe de précaution » inscrit dans la constitution française depuis 2005…

Le nouveau converti à l’écologie, François Hollande, qu’il soit sincère ou qu’il voit dans sa conversion un moyen de sauver son règne, aura beaucoup de mal, face au MEDEF et aux industriels, pour inverser rapidement la ou les tendances. L’écologie ne se décrète pas à court terme et sur un coup de tête.

{{L'absence de neige en moyenne montagne liée à la température n'est pas une bonne nouvelle pour plusieurs raisons.}} - Les canons à neige, gourmands en eau et en énergie vont bientôt entrer en action alors qu'ils bouleversent gravement l'écologie de la montagne - Les torrents, déjà asséchés par les retenues d'eau pour alimenter les canons à neige, pourraient ne pas avoir assez d'eau au printemps - La neige constituent une protection et un "engrais" pour la végétation qu'elle recouvre
Publié dans
Les blogs et Les blogs invités
Temps de lecture : 4 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don