Vote électronique, machines à voter : on arrête

Christine Tréguier  • 8 janvier 2015
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L’UMP ne fait plus confiance au vote par internet et le fait savoir par voie d’AFP. Soucieux d’assurer la « transparence » des primaires qui se tiendront avant la présidentielle de 2017, le parti annonce donc officiellement avoir décidé d’écarter le vote électronique. Il faut dire que les précédentes élections ont été entachées de problèmes en série : une attaque extérieure par saturation avait paralysé le fonctionnement du système dès l’ouverture du scrutin. Aux dires des experts qui étaient allés se balader dans le backoffice du serveur – dont l’adresse était disponible via une simple recherche sur Google – il était très mal sécurisé. « N’importe quel internaute peut se balader dans les répertoires destinés à l’application de traitement des votes » écrivait Olivier Laurelli dans Rue 89. Pire, le prestataire en charge du système, Paragon Elections, n’avait même pas pris la peine de remédier à des failles pourtant connues. Le lendemain, nombre de militants n’avaient pas pu voter ou avaient rencontré de sérieuses difficultés à le faire.
« D’une manière générale, un vote électronique est le meilleur moyen de transformer un simple incident technique en incongruité démocratique » soulignait l’expert de Rue 89.

Mieux vaut tard que jamais, l’UMP reconnaît dont ses torts. « Par nature, le vote papier peut assurer une parfaite transparence de la procédure », a déclaré Thierry Solère chargé de l’organisation de la primaire à l’AFP. Si il s’était attardé au rapport sur le vote électronique remis en avril 2014 par les sénateurs Alain Anziani et Antoine Lefèvre, l’UMP aurait pu éviter de se faire montrer du doigt pour ces élections quelque peu douteuses.
Les deux élus y ont consigné les observations par trois experts du scrutin pour le
renouvellement partiel de l’Assemblée des Français de l’étranger en juin 2006. Les critiques sont sévères : les atteintes à la sincérité du scrutin et au secret
du vote sont patentes. Pas de garantie que la personne votant « par internet » soit l’électeur concerné, pas de garantie pour l’électeur que le vote enregistré corresponde à son choix, pas de garantie de sécurité du système contre des intrusions extérieures, présence d’un intermédiaire technique qui empêche le contrôle du vote par les électeurs ou par des assesseurs, pas de décompte possible des bulletins en cas de litiges, dysfonctionnements divers etc. De nombreux recours auprès du Conseil Conctitutionnel ont été déposés par des électeurs en 2012 et 2013, attestant du peu de confiance dans ce dispositif. « Le risque d’atteinte au secret et à la sincérité du vote ne peut être
sous-estimé. Nul ne saura si la personne ayant voté depuis son ordinateur est bien celle inscrite sur la liste électorale, ni si son vote a été contraint, monnayé ou libre » concluent les deux rapporteurs. Ils excluent donc la généralisation du vote par
internet sur le territoire national et ne prescrivent son maintien que pour les circonscriptions comptant uniquement des électeurs expatriés, en sus d’un vrai bureau de vote.

Le rapport sénatorial traite également de « l’épineux dossier des machines à voter » (sic). Suite aux dysfonctionnements constatés lors des présidentielles de 2007, le gouvernement avait décidé un gel de leur utilisation. A l’époque, tous les partis politiques, à l’exception de l’UMP, s’était prononcé en faveur d’un moratoire. Considérant que « le seul avantage décelé réside dans le gain de temps permis par le dépouillement électronique », les sénateurs estiment qu’il ne « mérite pas de prendre, en contrepartie, tous les risques attachés à l’utilisation de l’électronique » et préconisent de maintenir le moratoire. Et si on les mettait tout simplement au rebut ?

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