Meurtre en Russie: l’opposant Boris Nemtsov assassiné… aprés bien d’autres. Poutine muet pendant la manifestation de protestation

Claude-Marie Vadrot  • 28 février 2015
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Samedi, Boris Nemtsov a été tué de quatre balles dans le dos. La mise en œuvre d’un « contrat » dont nul ne retrouvera jamais les commanditaires. Depuis l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine, les assassinats politiques ou économiques se sont succédé. Le signal de la violence d’Etat ou couverte par l’Etat, avait été donné en aout 1999 avec l’explosion de deux immeubles moscovite ayant entrainé la mort de 290 personnes et 1100 blessés dont beaucoup sont décédés par la suite. Sous le règne finissant de l’ivrogne président, Boris Eltsine, Vladimir Poutine étant alors Premier ministre. Les Tchéchènes furent alors accusés mais jamais retrouvés ni bien entendu jugés. Poutine utilisa ces attentats non revendiqués mais attribués aux services spéciaux, pour attaquer la Tchétchénie et pour devenir Président « désigné » le premier janvier suivant. Il en profita pour écarter Boris Nemtsov dont beaucoup pensait qu’il pourrait être élu pour remplacer Eltsine. Il n’y eu pas d’élection et Poutine put utiliser les quelques mois précédant le recours aux urnes pour organiser son pouvoir policier. Il fallait éliminer les tenants de la démocratie.

Cet ancien gouverneur de la Région de Nijni-Novgorod, l’ancienne Gorki, âgé de 55 ans, que j’ai rencontré à plusieurs reprises, n’était vraiment pas un révolutionnaire : mais ayant participé à la perestroïka lancée par Mikhaïl Gorbatchev, il s’est toujours situé au centre gauche et a obstinément milité, même quand il fut Vice-Premier ministre, contre la corruption et pour un fonctionnement démocratique de son pays. Il devait défiler dimanche à la tête d’uns manifestation destinée à protester contre la corruption, contre la répression et le contrôle des médias ainsi que contre la guerre menée en Ukraine. Au moment où l’autre opposant, Alexis Navalny, l’ancien avocat, bien moins clair dans ses revendications, était opportunément mis en prison pour quinze jours pour avoir distribué publiquement des tracts appelant à la manifestation.

Boris Nemtsov n’est pas le premier à avoir été ainsi éliminé. Depuis l’arrivée de Poutine au pouvoir 37 journalistes, moscovites ou provinciaux ont été assassinés ou battus à mort. Parmi eux, la journaliste Anna Politovkaïa qui eut le tort, dans son journal Novaïa Gazeta, de dénoncer la guerre sanglante en Tchétchénie et les atteintes à la démocratie tolérées ou encouragées par le gouvernement en place. S’y ajoutent des avocats, une bonne centaine d’hommes d’affaires et des parlementaires coupables de déplaire au pouvoir. Comme pour les attentats de Moscou, comme pour l’exécution d’Anna, les coupables et surtout les commanditaires n’ont jamais été identifiés. Ni la police, ni la justice, à la fois corrompues et tenues en laisse par le Kremlin, n’ont vraiment cherché à trouver les coupables. A Moscou et surtout en province où les représentants du Président, souvent directement nommés par le Kremlin, règnent sans partage, ne protégeant les hommes d’affaires que lorsqu’ils prouvent leur allégeance au pouvoir et alimentent leurs comptes en banque.

En ce moment, je pense à mon amie et consœur Anna Politovskaïa, tuée de plusieurs balles dans le hall de son immeuble le 7 octobre 2006. Si quelques hommes de main ont été identifiés au bout de quelques années d’une molle enquête, ceux qui les avaient armés n’ont jamais été découverts. Il faut sans doute être bien mauvaise langue pour rappeler que cet assassinat d’une journaliste travaillant pour l’un des rares journaux libres de Russie, a été assassinée le jour de l’anniversaire de Vladimir Poutine. Lequel, comme samedi, n’a pas déploré ce meurtre, mais évoqué, vieille dialectique venue de son passé au KGB, « une provocation »…

L’épisode qui vient de se dérouler rappelle que le pays qui réclame si bruyamment l’instauration de la démocratie en Ukraine, ressemble beaucoup à une dictature ne reculant devant aucune violence. Les dirigeants occidentaux qui veulent négocier avec Poutine sont d’autant plus des naïfs dangereux que le maitre du Kremlin n’entend pas céder et qu’il est majoritairement soutenu par un peuple totalement désinformé par sa presse écrite et ses chaines de télévision.

Anna Politovskaïa quelques semaines avant son assassinat. Ce jour là, elle avait avoué se savoir en sursis

Illustration - Meurtre en Russie: l'opposant Boris Nemtsov assassiné... aprés bien d'autres. Poutine muet pendant la manifestation de protestation

A travers toute la Russie, plus d'une centaine de milliers de Russes ont manifesté dimanche, contre l'assassinat et contre Vladimir Poutine. Pour une nation de plus de 140 millions d'habitants, ce n'est pas beaucoup. Un slogan remarqué qui en dit long sur le sentiment des manifestants:"{La propagande tue "}... Ces pancartes n'ont pas eu les honneurs de la télévision sous contrôle qui, avec quelques images, a fait le service minimum. Comme le président russe qui est resté parfaitement muet pendant cette journée de deuil...
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