Aujourd’hui les réfugiés des guerres par milliers, demain des millions de réfugiés du climat

Claude-Marie Vadrot  • 19 juin 2015
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Aujourd’hui les réfugiés des guerres par milliers, demain des millions de réfugiés du climat

Illustration - Aujourd’hui les réfugiés des guerres par milliers, demain des millions de réfugiés du climat - Les troupeaux sénégalais fuient désespérément le sécheresse qui règne dans le nord du pays et les éleveurs abandonnent de plus en plus souvent l’élevage avant de venir tenter leur chance en Europe.


Que feront les pays européens, que feront les Etats-Unis et d’autres pays considérés comme « riches », quand les réfugiés des guerres et des dictatures laisseront la place aux « réfugiés climatiques » ? Quand accourant des pays du Sud en partie rayés des cartes par les sécheresses les victimes environnementales rêveront d’aller essayer de survivre ailleurs. Parce que leurs terres cultivables, comme au Darfour, au Tchad, au Burkina Faso, au Niger ou en Somalie (liste non limitative) seront, encore plus qu’aujourd’hui, recouvertes par la sable surgi des déserts qui s’étendent et sont brulées par le réchauffement. A moins que des ouragans exceptionnels, comme en Inde ou au Bangladesh, ait entrainé l’essentiel de leurs terres arables vers la mer, les privant de sols cultivables. Il y aura aussi les populations dont les zones fertiles sont à la merci d’une faible montée des eaux de la mer. Et les habitants de l’Inde qui ne voudront pas, comme plusieurs milliers de leurs compatriotes il y a quelques semaines, « mourir de la chaleur ».

Après avoir grossi démesurément et étouffé leurs capitales par l’exode rural, ajoutant leurs bidonvilles aux zones de misère plus anciennes, ils se tourneront logiquement vers les pays industrialisés responsables à des titres divers des dérèglements climatiques. Ils ne seront pas des milliers mais des millions à vouloir s’inviter à notre table, s’ajoutant aux 60 millions de réfugiés et de déplacés, dénombrés par le HCR (Haut Commissariat aux Réfugiés) et attribués aux conflits que l’Occident tolère ou entretient en livrant des armes. Ils viendront, ces fuyards du climat, nous demander des comptes. Mais le futur est déjà de trop. Ignorés par la « Communauté internationale » les nouveaux exilés d’un monde déréglé sont déjà en marche. 20 millions pour les uns, une centaine pour les autres. Ils se mêlent aux victimes des affrontements qui fuient les combats ou les persécutions. Dans une quinzaine d’années, ils seront près de 200 millions, peut-être plus. A la recherche d’une terre d’asile et de vie. Et surtout à la recherche d’une reconnaissance ou d’un statut leur donnant des droits. Conférence climatique après conférence climatiques, ils se voient refuser toute existence officielle. Ils n’existent pas. Ils ne sont qu’un vague remord et ne siègent pas plus dans les instances des Nations qu’ils ne siègeront à la réunion de Paris en décembre 2015. Exclus parmi les exclus.

Alors, à pied, en voiture en bateau, ils tenteront de franchir les frontières. Comme les nouvelles marées trop hautes, ils tenteront de submerger le monde. Leur opposera-t-on des barrières de plus en plus hautes ornées de caméras et de barbelés comme entre le Mexique et les Etats Unis, comme entre Israël et les territoires palestiniens, comme entre la Turquie et la Grèce, comme bientôt aux frontières hongroises, voir entre l’Allemagne et le Danemark, comme entre la Maroc et les « confettis » espagnols de Ceuta et Melilla ? Des barrages parfois déjà électrifiés qu’ils tentent de franchir au péril de leur vie, ne craignant pas de s’y déchirer les mains et le corps.

Dans cet avenir très proche, que feront les gouvernements et leurs polices ? Leur tirer dessus, couler leurs bateaux avec des canonnières, les reconduire sous bonne garde dans leurs enfers comme s’ils étaient des barbares, des hordes de Huns qu’il faut repousser et détruire? A quoi serviront les paroles et les prières du Pape déjà usées jusqu’à la corde ? Ils frappent à nos portes, ils nous rappellent à nos responsabilités et nous n’avons que des vœux pieux et nos polémiques et contradictions dérisoires sur le Nutella à leur offrir comme réponse.

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