Crimée: des parlementaires « Républicains » en visite « Potemkine »

Claude-Marie Vadrot  • 26 juillet 2015
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Sans doute ignorants de l’Histoire, huit parlementaires français, dont sept appartenant à l’aile le plus droitière du parti de Nicolas Sarkozy, ont rendu visite à la Crimée, défilant sans la moindre honte entre les murs d’ un pays Potemkine soigneusement organisé pour leur faire croire que tout allait bien dans la région ukrainienne annexée par la force à la Fédération de Russie. Comme le fit, selon les historiens de l’époque, le ministre de la défense, le général Mikhaïl Sergueïvitch Potemkine, lorsqu’il « déguisa » la région en riche pays dépourvu de pauvres lors de la visite de l’impératrice Catherine II en voyage d’inspection en Crimée en 1787. Une vieille technique russe car elle fut souvent utilisée sous le régime communiste pour montrer l’Union soviétique sous un jour favorable aux délégations étrangères qui oubliaient volontiers les atteintes aux droits de l’Homme en mangeant le caviar et en buvant la vodka.

Thierry Mariani, Jacques Myard, Claude Goasgen, Nicolas Dhuick, Patrice Verchère, Sauveur Gandolfi-Scheit, Marie-Christine Dalloz-Maylam, Joëlle Garriaud et quelques autres ont donc expliqué que tout les habitants de la Crimée (tous ceux qu’on leur avait fait rencontrer…) étaient contents de leur sort et du coup de force ayant arraché la région à l’Ukraine sous la pression de l’armée russe. Ils ont même ajouté qu’ils n’avaient rencontré aucun militaire dans les rues, ce qui tend à prouver qu’ils ne sont pas beaucoup sortis de leur hôtel avant d’aller faire révérence au Président de la Douma russe à Moscou.

Au dernier moment, deux sénateurs avaient renoncé au voyage. Ils n’ont donc pas participé à la remise d’une médaille commémorative de l’Assemblée Nationale au « président » de Crimée désigné par Poutine, Sergeï Aksoyunov. Ils ont même rencontré un « représentant » heureux de la minorité Tatare alors que le responsable élu de cette communauté est interdit de séjour en Crimée et que la chaine de télévision qui les informait de façon indépendante a été fermé sur l’ordre de Moscou. Tandis que les membres de cette communauté subissent de plus en plus de la répression des nouvelles autorités alors qu’ils représentent entre 12 et 15 % de la population.
Cette visite d’hommage à la Russie de Poutine rappelle à quel point les parlementaires qui se nomment désormais les « Républicains », sont attirés, comme leur patron Nicolas Sarkozy, voire fascinés, par l’Etat fort et autoritaire (pour ne pas dire plus) que représente actuellement une Russie où la chasse aux opposants est permanente et ou règne la loi des oligarques. Sans oublier la répression qui vise, à travers des textes de loi, les associations, les écologistes, les intellectuels et les homosexuels. Avec l’appui (et souvent à la demande) d’une église orthodoxe qui organise la dénonciation des « mauvaises mœurs » avec l’appui de l’Etat. Tandis que les petits tyrans de province assurent, comme le maitre du Kremlin, la disparition de ce qui reste de presse libre, fermant les rares médias indépendants les uns après les autres. Tout en laissant quelques homme s’affaires, nationaux ou régionaux, organiser le pillage des ressources naturelles. Comme en Crimée, bien sur.

Il ne manque plus qu’une délégation du Front National pour (re)venir en Crimée proclamer sa fascination pour l’homme fort du Kremlin et exhiber ses fantasmes répressifs. Et une autre de ce qui reste de l’extrême gauche pour venir expliquer que, bon, Poutine n’est pas vraiment sa tasse de thé, mais que tout ce qui se passe dans la province occupée est la faute de l’Otan, de l’Europe, des Etats Unis ou de la CIA et que donc, il faut « comprendre », voir soutenir les Russes dans leurs efforts d’extension territoriale.

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