La Semaine de la presse dans l’école : c’est quoi ?

Du 21 au 26 mars,  les enseignants de tous niveaux et de toutes disciplines sont invités à participer à la semaine de la presse et des médias dans l’école (#spme2016 sur Twitter). Celle-ci  a pour but d’aider les élèves à décrypter les médias en faisant appel à leur sens critique et créatif.  Jusqu’à jeudi, je vous propose de mieux comprendre l’intérêt de ces actions. Aujourd’hui, entretien avec Elodie Gauthier, délégué à l’éducation aux médias et à l’information de l’académie de Créteil. Demain, zoom sur le concours des unes.

Jean-Riad Kechaou  • 21 mars 2016
Partager :
La Semaine de la presse dans l’école : c’est quoi ?

Elodie Gauthier est déléguée à l’éducation aux médias et à l’information au CLEMI (Centre de Liaison de l’Enseignement et des Médias d’Information) de l’Académie de Créteil.

© Politis
{: class= »img-responsive » }

Le Clemi attaque ce lundi la semaine de la presse à l’école, pouvez-vous nous présenter les différentes actions qui seront menées dans votre académie tout au long de la semaine ?

«Cette année, nous enregistrons 820 inscriptions à la Semaine de la presse et des médias dans l’école dans l’académie de Créteil, une participation en hausse depuis 2014.

Les actions menées sont diverses et toujours très intéressantes. Elles le sont d’autant plus qu’elles reposent des sur des temps d’échange et de travail avec des professionnels de l’information et des médias.

Dans plusieurs établissements ont lieu des rencontres avec des journalistes mais aussi avec des professionnels qui incarnent de nouveaux métiers comme celui de community manager. C’est l’occasion de questionner le travail des journalistes, l’évolution des médias et la place des réseaux sociaux dans la circulation de l’information.

La semaine de la presse est un temps fort de sensibilisation aux valeurs de la République. Des lycéens de Créteil vont rencontrer un journaliste afghan exilé en France. Une rencontre organisée avec la Maison des journalistes à Paris dans le cadre de l’opération « Renvoyé spécial » pour sensibiliser à la cause de la liberté de la presse et au-delà de la démocratie.

Le même jour, d’autres lycéens, en Seine et Marne, accueillent le grand reporter Jean-Paul Mari de retour de son séjour à bord de l’Aquarius, navire affrété par l’association SOS Méditerranée qui vient au secours de réfugiés au large de la Libye. Dans un collège de St-Denis, une classe de 3e travaille avec 8 journalistes de la rédaction de Courrier international, à la réalisation d’un dossier autour de la représentation de la question des migrants par les dessinateurs de presse du monde entier. Dans un autre collège, les élèves vont rencontrer Willy Zekid, dessinateur de presse de congolais, membre de l’association Cartooning for Peace.

Mardi 22 mars, a lieu le concours de Unes : plus de 280 classes participent à cette action que nous organisons et qui propose aux élèves de réaliser une Une, papier ou numérique, à partir de dépêches d’agence, en temps limité.

Cette année, un rendez-vous est proposé aux médias collégiens et lycéens: le 24 mars, les rédactions sont invitées à participer à un forum. Cette année, nous fêtons les 25 ans de la circulaire qui définit les droits et obligations de la presse lycéenne. Nous avons voulu nous saisir de cette occasion de réfléchir ensemble à l’évolution des textes au regard des pratiques des élèves, au collège comme au lycée et désormais de plus en plus souvent sur le web. Un forum pour faire connaître son média, échanger avec les autres rédactions et participer à des ateliers pratiques autour du dessin de presse ou encore de la webradio. Les adultes présents pourront échanger autour du rôle de l’adulte dans l’accompagnement des rédactions collégiennes et lycéennes.»

Après les attentats de Charlie Hebdo notamment, quelles actions ont été menées par le Clemi pour répondre au défi de la liberté d’expression ? Comment ont réagi les médias scolaires face aux attentats de 2015 ?

« Au lendemain des attentats de janvier 2015, tout le réseau des coordonnateurs académiques du CLEMI a travaillé à la collecte et à la diffusion de ressources pour aider les enseignants à se saisir d’une actualité exceptionnellement violente et qui portait atteinte à des fondements essentiels de la démocratie et de la laïcité. Les enseignants se sont mobilisés très fortement pour accompagner les élèves, les aider à comprendre les faits, à s’exprimer autour des attentats. Des rédactions d’élèves ont pris la plume très tôt pour réagir. Je pense bien sûr au numéro spécial réalisé par la rédaction du Petit Corot, du collège Corot de Chelles que vous connaissez bien, mais aussi au Ptit Braillard, que les élèves du collège Louis Braille d’Esbly, ont réalisé entre le 8 et le 9 janvier 2015. D’autres ont réalisé des émissions de radio, chroniques, poèmes. Le besoin de s’exprimer a été très fort en janvier 2015 et de nouveau en novembre 2015. »

Vous devez également être un partenaire privilégié du ministère de l’éducation nationale dans la lutte contre contre les théories du complot ?

« La diffusion de thèses conspirationnistes autour des attentats de 2015 a surpris par son ampleur. Le fait que ces thèses séduisent les jeunes, comme les moins jeunes dans notre société n’est pas nouveau.Cependant, cela s’est imposé aux enseignants d’autant plus brutalement que les médias ont semblé prendre conscience du phénomène et ont concentré leur attention sur le succès du complotisme auprès de la jeunesse. Comme le dit très justement ma collègue Servane Marzin, en introduction de son dossier, les enseignants ont été confrontés à un bien difficile un objet pédagogique. Et ils s’en sont saisi. Le travail sur ces questions se mène au long cours. L’éducation aux médias et à l’information consiste plus que jamais à apprendre aux élèves à s’informer, à faire le tri, à questionner les sources, les intentions des producteurs de contenus sur internet. Il s’agit aussi de leur apprendre à être eux-mêmes des contributeurs éclairés et responsables à l’heure des médias sociaux. Le CLEMI forme des enseignants tout au long de l’année pour que toutes les disciplines contribuent à développer ces compétences essentielles au citoyen dans la société de l’information. »

La réforme du collège offre quelle place à l’éducation aux médias ?

« Le contexte technologique et informationnel rend nécessaire l’éducation aux médias, et ce, dès le plus jeune âge. Elle figurait déjà dans le socle commun dans sa version de 2006. Inscrite dans la loi de refondation de l’école de juillet 2013, l’EMI (éducation aux médias et à l’information) est présente dans tous les nouveaux programmes à l’école comme au collège. Toutes les disciplines sont concernées par les compétences qu’elle permet de développer chez les élèves. Axe majeur du parcours citoyen, l’EMI contribue à la mission première de l’Ecole inscrite dans le code de l’éducation : la Nation fixe comme mission première à l’école de faire partager aux élèves les valeurs de la République.»

Ne pensez vous pas que l’insertion des différents clubs journaux dans un enseignement pratiques interdisciplinaire (EPI) intitulé « information, communication et citoyenneté » puissent faire perdre une certaine spontanéité ou cela est-ce nécessaire de l’imposer aux communautés scolaires ?

« Concernant les médias en milieu scolaire, il faut veiller à distinguer, dans la presse collégienne et lycéenne, les médias d’initiative pédagogique-à l’initiative des professeurs- et les médias créés à l’initiative des élèves. Ce sont des démarches différentes dans la mesure où dans le dernier cas, les élèves sont volontaires pour y prendre part.

Les médias créés dans le cadre d’un club n’ont pas vocation à disparaître. Au contraire! La ministre a appelé de ses vœux la création d’un média dans chaque collège et dans chaque lycée.

Parmi les thématiques des EPI, l’un concerne plus directement l’EMI. Cette question mérite un EPI à part entière. Cependant, il est possible de mener des actions d’éducation aux médias et à l’information dans le cadre des autres thèmes. A titre d’exemple, nous travaillons à un projet en partenariat avec Tara Expéditions pour proposer aux enseignants qui le souhaitent un travail croisant EMI et EDD (éducation au développement durable) autour de la problématique Océans et climat. Les élèves seront invités à réaliser des reportages, des interviews de chercheurs et à s’initier à la data visualisation. Des activités qui mettent en œuvre les compétences de l’EMI autour d’une thématique chère aux SVT (Sciences de la vie et de la terre) ou encore à la géographie. Enfin, en travaillant autour du traitement de données, les enseignants visent à développer les compétences de la numératie, c’est à dire la capacité à comprendre et à utiliser les mathématiques, dans le cas présent les outils statistiques, dans des actions concrètes.»

© Politis
{: class= »img-responsive » }

Publié dans
Les blogs et Les blogs invités
Temps de lecture : 8 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don