Euro sportif: que l’on cesse de se foot de nous !

Des milliards pour UEFA et de l’enfumage pour les Français

Claude-Marie Vadrot  • 7 juin 2016
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La plupart des confrères ayant rapidement abandonné les bottes des inondations, ont désormais enfilé leurs chaussures à crampons. Pour nous persuader que la France allait désormais vivre pendant un mois, une extraordinaire épopée populaire en suivant la coupe européenne de football.

Populaire ? Vraiment ? La consultation des prix de billets permet d’avoir de sérieux doutes. Rien que pour la rencontre Roumanie-France, premier épisode du show footballistique, le cout des sièges au stade de France oscille entre 128 et 224 euros. Pour la rencontre entre la Suisse et la France, les prix sont compris entre 129 ET 290 euros. Ensuite, exception faite d’un Albanie-France quasiment soldé entre 68 et 120 euros, les prix grimpent allègrement vers la finale dont les billets sont compris entre 666 et 898 euros. Après une demi-finale annoncée entre 235 et 310 euros.

Les journalistes, spécialisés ou non, auront bien du mal à persuader les Français au chômage, au RSA , au Smig, sans ressources ou en grève depuis plusieurs jours, que la fête annoncée à grands coups de trémolos sur l’évocation d’une mythique France Bleu-Blanc- Beur, leur est destiné ailleurs qu’à la télévision ou dans les fan-zones, laissant les places aux amis d’Emmanuel Macron et aux adhérents du Medef qui tomberont pour l’occasion la veste de leurs costards.

D’autant plus que les absents de la « fête », qu’ils aiment ou non un « sport » dont les acteurs gagnent en une journée ce qu’ils ont du mal à percevoir en un mois, devront tous payer dans leurs impôts, locaux une facture pharamineuse de 1, 680 millions. La somme consacrée par les dix villes où se dérouleront les matches pour construire ou rénover leurs stades.

Quant à l’UEFA, l’Union Européenne des Associations de football, déjà richissime, elle ne déboursera que 650 millions pour la mise à disposition des stades et la gestion de la billetterie. Pas grand-chose en comparaison de la vente des billets, du sponsoring des matches et des droits télé qui devraient lui laisser un bénéfice d’environ 2 milliards d’euros. Lesquels seront exemptés d’impôts et de taxes, ce qui coutera au moins 200 millions d’euros au budget de l’Etat. Il faudra ajouter à cela les coûts de la mobilisation de milliers de membres des différentes polices requis pour protéger les stades et les fans-zones. Sans oublier les milliers de vigiles privés recrutés par l’Etat et par les municipalités concernées. Aussi bien dans les alentours des stades que dans les villes, petites ou grandes, où seront hébergées les 24 équipes concurrentes. Là où les hôteliers et les restaurateurs ont multiplié leurs pris par deux ou trois.

A toutes ces dépenses, comme d’habitude, les chantres de cette coupe d’Europe opposent les retombées économiques. Encore une opération de dissimulation organisée par les services de relations publiques des villes concernées et les responsables du foot européen : ils n’ont, de toute évidence, pas lu les nombreux rapports portant sur les coupes précédentes ou sur les jeux olympiques. Lesquels expliquent, qu’en dehors de quelques marchands, bistrotiers et autres vendeurs de casquettes et de maillots achetés au rabais dans les « usines » du Sud, n’auront pas le droit de faire de la publicité dans un rayon d’un kilomètre autour des stades. Pas question de faire la moindre concurrence aux boutiques dument accréditées de l’UEFA à laquelle ils verseront une confortable redevance. La promotion organisée par les médias et par de l’Etat et les villes sur ces « retombées » n’est donc qu’un enfumage de plus pour faire accepter le cout de l’opération. Laquelle servira à faire oublier la loi sur le travail et l’obstination à mettre les grévistes au ban de la société.

La coupe d’Europe n’est rien d’autre qu’une histoire d’argent à laquelle les Français et quelques étrangers sont invités à verser leur obole.

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