Je suis Chelsea Manning !

Condamnée en 2010 à 35 ans de réclusion, Chelsea Manning est maintenant menacée de sanctions et d’isolement en quartier de sécurité, pour avoir…. tenté de se suicider. Pire, l’armée continue à lui refuser les traitements et l’assistance psychologique dont elle a besoin pour poursuivre sa transition de genre.

Christine Tréguier  • 5 août 2016
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Je suis Chelsea Manning !

Le 5 juillet, on apprenait que Chelsea Manning, anciennement Bradley Manning, transexuelle en cours de transition, avait été hospitalisée suite à une tentative de suicide. Le 28 juillet, alors qu’elle attendait à l’isolement dans sa chambre d’hôpital carcéral un retour de vacances du psychiatre qui la suit, le comité disciplinaire de l’armée américaine lui a fait parvenir sans plus d’explication une notification de procédure à son encontre. Elle est accusée de trois « infractions administratives » : résistance au personnel lors d’un transfert obligatoire de cellule, détention de biens illégaux (en l’occurrence ceux dont elle s’est servi pour essayer de mettre fin à ses jours), et comportement menaçant. 

En d’autres termes, Chelsea risque l’isolement pour une durée indéterminée pour avoir osé refuser un transfert de cellule et commis une tentative de suicide, laquelle aurait mis en péril l’ensemble des quartiers disciplinaires de Fort Leavenworth (Kansas). On croit rêver ! Selon le porte parole de l’ACLU (American civil liberties union), « si elle est reconnue coupable, Chelsea peut avoir à subir des sanctions incluant « une réclusion indéfinie à l’isolement », une reclassification en quartier de haute sécurité, et une peine additionnelle de neuf ans. Ils peuvent lui supprimer toute possibilité de communiquer. Pour avoir fait déplacer l’équipe de transfert à l’isolement, Chelsea peut écoper des mêmes sanctions que si elle avait mis le feu quelque part. C’est ridicule ! »

D’autant plus ridicule que Chelsea Manning – analyste dans l’armée américaine, condamnée en 2013 à 35 ans de prison pour avoir transmis à Wikileaks plus de 700 000 documents classifiés sur les réalités des guerres américaines – n’a rien d’une terroriste tueuse. Lors de son procès, elle a expliqué son acte en ces termes : « Je crois que si le grand public, particulièrement le public américain, avait accès [ à ces] informations, ça pourrait enclencher un débat national sur le rôle de l’armée et sur notre politique étrangère en général puisque cela concerne l’Irak et l’Afghanistan. Je crois aussi que l’analyse détaillée des données portant sur une longue période par divers secteurs de la société pourrait amener celle-ci à une réévaluation du besoin ou même du désir de s’engager dans des opérations de contre-terrorisme et de contre-offensive qui ignorent la dynamique complexe des populations vivant quotidiennement dans l’environnement impacté. »

Personne, pas même ceux qui pensent que Manning doit être sanctionnée pour avoir transgressé le secret défense, ne peuvent cautionner le fait qu’au XXIème siècle , des motivations « citoyennes » justifient les traitements inacceptables auxquels la lanceuse d’alerte a eu droit depuis son arrestation. Mise à l’isolement, dont 2 mois enfermée dans une cage sans lumière au Koweit, puis dans une tente sous 45 °, 7 mois à Quantico, et 3 ans à Fort Leavenworth, le tout avant d’avoir été jugée et condamnée. Ensuite elle a fait trois ans encore dans les quartiers de haute sécurité d’une geôle militaire réservée aux hommes, alors que le condamné Bradley Manning avait obtenu, au terme d’un long périple judiciaire, le droit de s’appeler Chelsea et d’entamer un traitement hormonal pour changer de genre. Son traitement ne lui était pas donné régulièrement, pas plus que l’aide psychologique indispensable pour cette difficile transition. Sans parler des petits harcèlements ordinaires et des mesures de rétorsion pour l’empêcher de converser avec ses avocats ou d’envoyer du courrier. « Le gouvernement est depuis longtemps au courant de la détresse engendrée par le refus de médications pour sa transition, et pourtant il a retardé et refusé un traitement reconnu comme nécessaire » explique Chase Strangio, son avocat de l’ACLU.

Chelsea Manning fait preuve d’un courage hors norme. Elle trouve encore la force de dire « je suis contente d’être en vie » et de dénoncer la poursuite des brimades, même si ces révélations peuvent s’avérer à double tranchant pour elle. Elle a fait appel de sa condamnation en mettant en cause la constitutionnalité de l’Espionnage Act qui a permis sa condamnation. Une pétition en ligne a été lancée par son groupe de soutien pour demander sa libération en urgence.

Les dignitaires de l’armée et du gouvernement faisant preuve d’une cécité et d’une absence indigne de courage, c’est aux citoyens du monde de clamer haut et fort « Je suis Chelsea Manning » et d’user de la proximité des élections américaines pour obliger Barack Obama et/ou Hillary Clinton, à déclarer publiquement que Chelsea Manning a payé pour son acte. Respecter et traiter humainement une femme en devenir, malade et maltraitée qui n’a aucune mort sur la conscience, serait tout à l’honneur du camp démocrate.

La Pétition pour Chelsea au Secretaire des Armées

Le fond de défense pour Chelsea Manning

Le site Free Chelsea Manning

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